Le régime cubain a donné son feu vert vendredi à la location de maisons payée en dollars et à l'embauche d'employés dans des petits commerces, des réformes inédites pour compenser la suppression de 500.000 emplois publics et doper le petit secteur privé de Cuba.
Selon des documents évoqués par la presse, le gouvernement espère que 465.000 des 500.000 employés du secteur public, qui seront remerciés d'ici mars, se reconvertissent dans des petits commerces individuels ou des coopératives.
"A partir d'octobre, l'interdiction de louer des logements complets en CUC (peso convertible, équivalent du dollar) sera abrogée", a affirmé vendredi Granma, l'organe officiel du Parti communiste, seul parti autorisé dans l'île.
L'abandon de cette mesure, en vigueur depuis le début de la révolution il y a 50 ans, concerne notamment les "personnes qui ont l'autorisation de vivre à l'étranger ou celles, vivant à Cuba, qui sortent du pays pour plus de trois mois". Elles pourront aussi louer des locaux aux petits commerçants.
En outre, le travail indépendant sera désormais légal dans 178 types d'activités, dont sept nouvelles et 29 à nouveau autorisées après un moratoire de trois ans, selon la vice-ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Admi Valhuerdi.
Dans 83 de ces 178 métiers, les travailleurs indépendants pourront embaucher librement du personnel et plus seulement des membres de leurs familles. Là aussi, du jamais vu depuis un demi-siècle.
L'embauche de travailleurs indépendants n'était permise que pour les travaux agricoles, un secteur en déclin constant depuis la fin en 1991 de l'URSS, principal allié du régime cubain.
Environ 143.000 Cubains travaillent à leur compte comme chauffeurs de taxi, restaurateurs, ou coiffeurs, depuis que l'Etat a autorisé ces activités dans les années 1990 pour faire face à la crise économique provoquée par la fin de l'aide soviétique.
Ils pourront désormais le faire comme comptables, masseurs, gardiens de parcs ou de toilettes, et même ouvrir de petits magasins de fruits et légumes, selon Granma.
Les "paladares" (petits restaurants) pourront aussi augmenter leur capacité d'accueil, de 12 à 20 couverts, et vendre des produits jusqu'ici offerts illégalement comme les fruits de mer ou le boeuf.
L'Etat qui emploie 4,2 millions des 5 millions de travailleurs de l'île, veut supprimer plus d'un million d'emplois publics dans les trois ans à venir.
L'économie cubaine, fortement dépendante des importations, est minée par la corruption qui alimente un imposant marché noir, une bureaucratie pléthorique et le plus vieil embargo au monde, imposé en 1962 par les Etats-Unis.
Certains Cubains considèrent ces annonces comme une manière de gagner plus que le salaire mensuel versé par l'Etat (20 dollars, soit 14 euros).
"Tout cela est positif, il n'y a pas de quoi devenir riche, mais c'est une bouffée d'oxygène", estime Pablo Machado, réparateur de lunettes de 42 ans, qui pense ouvrir un café.
D'autres en revanche s'interrogent sur les conditions d'accès au crédit et sur les taxes à payer sur de telles activités, que Granma ne précise pas.
"Quelle garantie ai-je qu'ils ne vont pas faire marche arrière comme ils l'ont déjà fait plusieurs fois? Si je dois payer un impôt très élevé et qu'il ne me reste que quatre centimes, je préfère prendre le risque de continuer sans permis", explique Elsa, vendeuse de cacahuètes et de bonbons, âgée de 77 ans.
Les Cubains se demandent aussi où ils pourront s'approvisionner en matières premières. Le ministre de l'Economie, Marino Murillo, reconnaît qu'il faudra des années avant que les petits commerçants puissent se fournir chez des grossistes.