"Patience": le sort d'un simple mot va mercredi concentrer toute l'attention de la planète financière, avide de savoir si la Banque centrale américaine (Fed) s'apprête à relever ses taux d'intérêt dans les mois qui viennent.
Le Comité monétaire de la Réserve fédérale (FOMC), qui a repris mercredi à 9H00 locales (13H00 GMT) une réunion de deux jours, publie son communiqué final à 14H00 locales (18H00 GMT) à Washington. Une demi-heure plus tard, la présidente de la Fed Janet Yellen tiendra une conférence de presse.
La Fed devrait laisser ses taux directeurs inchangés mais de nombreux économistes s'attendent à ce que le Comité cesse de dire dans son communiqué qu'il "peut être patient" avant de resserrer la politique monétaire. Ce signal ouvrirait la voie à une première hausse des taux d'intérêt, au plus tôt en juin ou en septembre.
Les taux d'intérêt au jour le jour sont restés autour de zéro depuis plus de six ans pour soutenir la reprise après la crise financière et la récession.
Ce changement de langage serait le signal le plus clair d'une nouvelle direction de politique monétaire depuis que l'ancien patron de la Fed, Ben Bernanke, a évoqué pour la première fois la réduction des achats d'actifs en juin 2013, provoquant des remous sur les marchés financiers.
La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a d'ailleurs invité mardi les pays émergents à se préparer à une volatilité des flux de capitaux dans le sillage d'une hausse des taux américains. "Le danger est que les vulnérabilités qui s'accumulent pendant la période de politique monétaire très accommodante puissent se révéler soudainement quand il y a une inversion de cette politique, créant une importante volatilité du marché", a dit Mme Lagarde en visite en Inde.
L'OCDE, quant à elle, a estimé dans un rapport mercredi qu'il serait "raisonnable" que la Fed "attende plus longtemps avant de relever ses taux de manière à soutenir encore la demande privée". L'Organisation de coopération et de développemement économiques estime que la Fed nourrit "l'effet richesse" et le pouvoir d'achat des Américains en maintenant des taux très bas.
La rapide amélioration du marché du travail aux Etats-Unis, forte d'un taux de chômage qui se rapproche du plein emploi (5,5% en février), plaide pour un prochain resserrement du crédit. Mais en même temps, en l'absence d'accélération des salaires et à cause de la chute des prix de l'énergie, l'inflation est loin de l'objectif de 2% à moyen terme de la Fed (0,2% en janvier sur un an, selon l'indice PCE).
-Après la "patience": la "flexibilité ?-
"La question est: par quoi vont-ils remplacer +patience+ ?" s'est interrogé Mark Olson, un ancien gouverneur de la Fed, sur la chaîne économique CNBC. Il mise sur une formule indiquant que la banque centrale va se donner désormais "une flexibilité".
S'il est peu probable que le communiqué du FOMC mentionne explicitement le dollar, la considérable appréciation du billet vert ne manquera pas d'être évoquée à la conférence de presse, la première de l'année pour Janet Yellen.
Le dollar n'a cessé de se renforcer depuis le début de l'année par rapport à l'euro dans l'anticipation d'une remontée des taux aux Etats-Unis et alors que la Banque centrale européenne (BCE) a entamé une politique monétaire très accommodante qui diverge de celle que s'apprête à mener la Fed. Cela amoindrit la compétitivité des entreprises américaines à l'exportation et rend aussi les importations moins chères, faisant encore fléchir l'inflation dans le pays.
Pourtant, l'appréciation de la monnaie américaine ne devrait pas retarder une première hausse des taux, jugeait Nariman Behravesh, économiste en chef à IHS. C'est seulement "un fort vent contraire qui la fera aller très lentement après un premier relèvement", prévoit-il.
La banque centrale doit aussi publier mercredi de nouvelles prévisions économiques. Elles pourraient s'avérer meilleures sur le front du chômage mais moins optimistes sur la croissance et l'inflation, affirment les économistes. Plusieurs indicateurs ont été décevants avec l'hiver brutal de ce début d'année.