La libéralisation du commerce et la lutte contre la spéculation sont des pistes contre l'envolée des prix alimentaires et les risques de pénurie qu'ils provoquent, ont estimé les ministres de l'Agriculture d'une cinquantaine de pays réunis à Berlin.
"Le combat contre la faim figure tout en haut des priorités de la communauté internationale", a assuré samedi la ministre allemande, Ilse Aigner, au terme de ce sommet organisé dans la cadre de la Grüne Woche de Berlin, le plus important salon agricole au monde.
Lutter contre la flambée des prix agricoles passe avant tout par "une coordination des politiques agricoles, de développement, ainsi que des politiques commerciales et financières", a estimé la ministre.
Selon la Banque internationale de développement "investir dans l'agriculture produit quatre fois plus de résultats dans le domaine de la lutte contre la pauvreté que d'investir dans n'importe quel autre secteur", a-t-elle souligné.
Car si la demande est en hausse constante, l'offre ne suit pas, ont reconnu les ministres.
Il se sont montrés aussi unanimes sur les causes de la pénurie que sur les conséquences: instabilité sociale et émeutes de la faim menacent à nouveau.
"Nous (en) connaîtrons à nouveau en 2011 ou en 2012 (...) si nous ne prenons pas rapidement tous ensemble les décisions nécessaires", a prévenu le ministre français Bruno Le Maire.
Son homologue marocain Aziz Akhannouch a également dénoncé une "flambée des prix" qui menace le pouvoir d'achat, et donc la stabilité politique de son pays, gros importateur de blé, dont le cours a presque doublé l'an dernier.
En apparence, les pays présents sont aussi d'accord sur les pistes à suivre pour résoudre ces problèmes: augmentation de la production par une hausse des rendements et libéralisation du commerce.
"Le commerce est une partie de la solution, pas du problème", a assuré le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Français Pascal Lamy.
"Il est important d'ouvrir les frontières" pour certains produits, a plaidé la ministre kenyane Sally Jepngetich Kosgey.
Mais les intérêts divergent. "Chacun cherche d'abord à soutenir sa propre infrastructure, et ensuite à commercer avec les autres", a résumé le ministre canadien Gerry Ritz.
"Il existe des barrières dans certains pays pour protéger la sécurité alimentaire", a reconnu l'Ukrainien Mykola Prissiajnouk. Sixième producteur mondial de blé, son pays a récemment prolongé des restrictions d'exportation jusqu'à mars, après une terrible sécheresse en 2010, une mesure qui est loin de ravir nombre d'acteurs du secteur, en Ukraine même.
"Nous ne pouvons pas dans le même temps demander le respect de (certaines) règles, et ouvrir tout grand nos frontières à des produits qui ne (les) respectent pas", a argumenté le ministre français, citant les normes de qualité et environnementales.
La lutte contre la spéculation sur les marchés des matières premières agricoles, incriminée dans la flambée de prix actuelle, est plus consensuelle.
Tout en reconnaissant que "les fluctuations de prix font partie du marché", Mme Aigner a estimé que "les produits agricoles (n'étaient ) pas comme les autres" et ne (devaient) pas devenir "des instruments pour flambeurs".
La France a mis le sujet au menu de sa présidence du G20, a souligné M. Le Maire.
"Il y a aujourd'hui une incertitude totale" sur les volumes disponibles des denrées agricoles, a-t-il dit, "ce n'est pas normal qu'il y ait aussi peu d'information". Selon lui, "la transparence fera la stabilisation du marché".
Il a assuré avoir reçu un très bon accueil sur ce sujet, même si la France "continue à discuter" avec des pays moins réceptifs, comme la Chine et les USA, absents à Berlin.