La Banque centrale européenne (BCE), en position délicate après la décision de l'UE de réviser le Traité de Lisbonne pour introduire un mécanisme de gestion des crises, devrait maintenir son statu quo monétaire jeudi.
Le conseil des gouverneurs de la BCE doit se réunir à Francfort (ouest) et, de l'avis des économistes, devrait prendre la décision de maintenir son principal taux directeur inchangé, au niveau historiquement bas de 1%, alors que des dissensions sont apparues au grand jour ces dernières semaines sur l'opportunité de prolonger ses mesures de crise.
Un consensus s'est dessiné au sein de l'institution financière pour supprimer progressivement ces mesures de soutien au système bancaire de l'eurozone et aux Etats en grave difficulté financière, puisque la menace d'une rechute économique semble s'estomper.
Mais Axel Weber, le président de la Banque centrale allemande (Bundesbank), pressenti pour succéder à M. Trichet l'an prochain, a publiquement remis en cause la poursuite de cette politique.
Il a réclamé la fin des taux bas, pour éviter une dérive inflationniste, et veut voir cesser rapidement les rachats d'obligations d'Etats décidés après la crise de la dette grecque au printemps.
Rappelé à davantage de retenue et de solidarité avec ses collègues à la fois par le président de la BCE Jean-Claude Trichet et par son chef économiste Jürgen Stark, M. Weber s'est fait plus discret ces derniers jours.
Mais il n'en demeure pas moins que ces disputes vont agiter la rencontre des hauts responsables de l'institution financière européenne, estiment les économistes.
"La discussion risque d'être très animée jeudi", juge ainsi Michael Schubert, économiste de Commerzbank.
D'autant que l'accord européen intervenu dans la nuit de jeudi à vendredi, complique la prise de décisions de la BCE.
Sur proposition franco-allemande, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont accepté le principe d’une révision limitée du traité de Lisbonne pour pérenniser le mécanisme de sauvetage d’un Etat en faillite.
Ce nouveau mécanisme devrait aussi intégrer une procédure codifiée de défaillance d'un Etat, destinée à faire payer les déroutes financières aux banques détenteurs de dette publique, et plus seulement aux contribuables.
M. Trichet "a exprimé un certain nombre de réserves" à ce sujet, a reconnu vendredi le président français Nicolas Sarkozy, sans en préciser la nature.
Selon le Financial Times, citant des sources diplomatiques, M. Trichet a mis en garde contre les conséquences sur les marchés d’un débat, même court, sur ce mécanisme et la perspective d’une restructuration de la dette des pays en difficulté alors que la reprise reste fragile et que les marchés financiers sont toujours tendus.
M. Trichet craint que cela provoque une hausse des taux d’intérêt à court terme pour des pays comme la Grèce ou l'Irlande, qui cherchent à regagner la confiance des investisseurs.
La BCE n'a en outre pas obtenu satisfaction de l'UE sur la question des sanctions contre les Etats qui ne respecteraient pas le Pacte de stabilité et de croissance, qu'elle voulait automatiques.
Deux motifs de satisfaction toutefois: les banques de la zone euro lui réclament désormais moins de liquidités tandis que les rachats d'obligations publiques se sont révélés nuls lors de ses deux dernières opérations.
"Nous allons continuer à observer de façon très très prudente la situation, avec un grand pragmatisme en ce domaine", a affirmé mercredi M. Trichet, concernant les banques.
Une prudence qui sera d'autant plus de mise que la banque centrale américaine doit elle probablement annoncer mercredi de nouvelles injections de liquidités sur les marchés pour relancer l'activité.