La Birmanie va adopter un système de taux de change contrôlé à dater du 1er avril, une étape essentielle vers l'unification de ses multiples taux, unanimement dénoncés comme paralysant son développement économique et son intégration sur le marché mondial.
"La valeur extérieure de la monnaie nationale, le kyat de Birmanie, sera à partir de maintenant déterminée par les conditions de l'offre et la demande sur le marché des changes", a annoncé le quotidien officiel anglophone New Light of Myanmar.
Cette décision est la "première étape vers l'unification des divers taux de change". Le quotidien ne précisait pas comment le taux serait contrôlé, et si la monnaie serait protégée par un plancher pour l'empêcher de dévisser.
La Birmanie fonctionne avec une monnaie singulière, soumise à des taux officiel, semi-officiel et non-officiels, auxquels s'ajoutent les FEC (Foreign Exchange Certificates). En principe, détenir des dollars en liquide est interdit pour les Birmans sauf autorisation spéciale.
Le taux officiel actuel, ignoré de tous, est à six kyats pour un dollar. Au marché noir, on en obtient environ 800. Un fossé surnaturel, attribué par les analystes à 50 ans de politiques économiques désastreuses qui ont creusé l'écart entre économies officielle et parallèle.
Certains experts y voient aussi une façon qu'avait la junte de détourner des revenus de l'industrie des hydrocarbures, en enregistrant des ventes au cours officiel avant de les changer à des taux plus de cent fois supérieurs.
"C'est une décision très positive. Cela injecte une dose de rationalité dans le processus de gestion, qui brillait par son absence dans le régime précédent et pour la plupart des 50 dernières années", s'est félicité Sean Turnell, expert de l'économie birmane à l'université Macquarie de Sydney.
"Cela supprime bien des difficultés et de nombreuses incitations à la corruption, qui se nourrissait de ce double taux".
Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment effectué une mission en Birmanie, notamment pour l'aider à réformer ce système de change. Il avait estimé en 2008 que les pertes du pays asiatique liées aux taux de change avaient représenté entre 14 et 17% de son économie en 2006-2007.
Le nouveau gouvernement birman, dirigé par d'anciens militaires depuis le retrait volontaire de la junte il y a un an, a multiplié les réformes depuis quelques mois.
Il affirme vouloir bâtir un système réellement démocratique, tout en relançant une économie sinistrée. Il souhaite injecter des principes-clés de l'économie de marché et se doter de structures financières et juridiques dignes de ce nom.
"Une partie essentielle de ce programme (de réformes économiques) est d'unifier les taux de change et progressivement d'éliminer les restrictions actuelles sur les paiements internationaux et les transferts à l'étranger", a relevé le New Light of Myanmar.
Le taux de référence sera désormais publié chaque jour, vraisemblablement pour commencer autour des 800 kyats pour un dollar, selon Sean Turnell, bien "beaucoup d'hommes d'affaires le préfèreraient bien plus bas, probablement autour des 900".
La valeur du kyat (prononcer tchiat) a grimpé ces dernières années, menant la vie dure à une économie déjà exsangue.
Les experts attribuent le phénomène à des causes aussi multiples que la fragilité chronique du dollar, la croissance des exportations de pétrole et de gaz, la faiblesse des importations ainsi que la hausse des investissements et des visiteurs étrangers.