Le gouvernement a joué gros cette semaine en tentant de faire de son pacte de compétitivité un des piliers de la politique économique de relance du quinquennat Hollande, se réservant un accueil globalement positif auprès des entreprises, plus mitigé dans sa majorité.
"Ce qui me paraissait essentiel était de dire que la compétitivité était une priorité nationale et je pense que cette idée est passée", a expliqué mardi à l'AFP l'ancien président d'EADS, Louis Gallois, auteur d'un rapport sur le sujet remis lundi au Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Selon lui, le "battage" autour de son travail et le fait que "le gouvernement a pris la mesure du problème" le prouvent.
"Décrochage", "cote d'alerte", "glissade": son diagnostique en noir du manque de compétitivité des entreprises françaises à l'international a été approuvé par le gouvernement qui a annoncé solennellement 35 mesures mardi.
La plus emblématique d'entre elles, 20 milliards de crédits d'impôts par an à terme pour les entreprises afin d'alléger leurs charges, a déjà fait couler beaucoup d'encre. Sachant que cette mesure ne commencera à prendre effet qu'en 2014 et qu'elle sera notamment financée par une augmentation des taux principal et intermédiaire de la TVA, elle a été accueillie avec surprise.
"Trop tardive" pour les défenseurs d'un "choc" de compétitivité, "astucieuse" car reportée à de meilleurs auspices de croissance, "truc de technocrate" car énième complication des règles fiscales: les économistes sont très partagés sur cette décision qui a également fait l'objet de plusieurs sondages d'opinion contradictoires.
Les 20 milliards ont parallèlement été décrits par la présidente du Medef Laurence Parisot comme "un bon principe initial", salués par Standard & Poor's et par la commission européenne. Mais la mesure a été beaucoup plus fraîchement accueillie à gauche.
Dès mercredi, les députés PS ont exigé du Premier ministre que les crédits d'impôts consentis soient assortis de contreparties des entreprises, laissant présager un long débat parlementaire sur la question. La CGT a fustigé une "vaste campagne consistant à culpabiliser les salariés sur le coût du travail", regrettant que l'aide "bénéficie à toutes les entreprises, y compris celles qui distribuent des dividendes".
"Réforme majeure du quinquennat"
Mais le gouvernement n'a pas varié: ce "pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi" est un "pilier" dans l'ambition de François Hollande de sortir la France de la crise pendant son quinquennat.
Les mesures prises par le gouvernement reviennent à "ajouter une troisième pierre à l'édifice que nous sommes en train de construire de redressement de l'économie française", a assuré le ministre des Finances, Pierre Moscovici.
Après "le sérieux budgétaire" acté par la loi de Finances 2013, encore en discussion au Parlement, et "la relance de la construction européenne".
"C'est la réforme majeure du quinquennat sur le plan économique", observe l'économiste Alain Trannoy, directeur d'études à l'EHESS, en rappelant que celle-ci s'étale sur trois ans jusqu'en 2016, date à laquelle tous les yeux seront tournés vers la présidentielle de 2017.
Mais, remarque le spécialiste, cette réforme ne se fera pas sans résistance puisque "le relèvement de la TVA est considéré comme une mesure de droite".
En choisissant de cibler ce prélèvement plutôt que la CSG, le gouvernement a ménagé les syndicats dans le cadre de la négociation en cours sur la sécurisation de l'emploi. Mais ça "ne passera que s'il annonce une réforme d'ampleur de la fiscalité directe": la fusion de la CSG, impôt proportionnel, avec l'impôt sur le revenu, dont la progressivité est considérée comme plus juste.
Justement, le Haut conseil de Protection sociale doit remettre début 2013 son rapport sur "les conditions du retour à l'équilibre des comptes de la Sécurité sociale" qui pourrait préconiser de toucher à la CSG pour remettre les comptes à l'équilibre.
La discussion promet donc d'être musclée autour des actes législatifs et du collectif budgétaire actant le pacte de compétitivité qui doit intervenir au premier trimestre 2013.
"Les trois discussions en cours sur le financement de la protection sociale, la plus grande implication des institutions représentatives du personnel et la sécurisation de l'emploi peuvent bâtir le socle social du pacte de compétitivité. La reconquête industrielle en dépend", a déclaré jeudi Louis Gallois.