La récente appréciation du franc suisse est devenue une menace sérieuse pour les détenteurs, particulièrement nombreux en Europe de l'Est, de crédits en monnaie helvétique, dont les coûts ne cessent d'augmenter parallèlement à la flambée du franc.
Alors que la devise helvétique a pris plus de 20% face à certaines monnaies en un an, des particuliers ont ainsi vu les mensualités de leurs emprunts en franc suisse doubler en deux ans, les plaçant dans des situations économiques critiques.
"J'ai pris en 2007 un prêt de 46 millions de forints sur 25 ans, les mensualités étaient alors de 260.000 à 280.000 forints par mois", raconte à l'AFP Vilmos Müller, un Hongrois de 38 ans. "Aujourd'hui, après avoir remboursé 11,8 millions, je dois encore 59 millions de forints à la banque et les mensualités dépassent les 430.000 forints".
A l'instar de M. Müller, nombre de résidents d'Europe de l'Est se sont rués à partir de 2004 sur des crédits libellés en francs suisses, jugés attractifs en raison de taux d'intérêts inférieurs à ceux de leur pays d'origine.
"Mais en contrepartie de ces intérêts moins élevés, ils se sont exposés au risque de change", explique Marcus Hettinger, spécialiste des devises à Credit Suisse.
Cette envolée des crédits en francs a par ailleurs coïncidé avec une période où la monnaie suisse était sous-évaluée et où les pays d'Europe de l'Est ont financé la consommation en empruntant, stimulant l'appétit pour ce genre d'emprunt.
Au premier trimestre 2010, la part des prêts en francs par rapport à l'ensemble des crédits au secteur non bancaire s'élevait à 34,3% en Hongrie, à 20% en Pologne, à 13,6% en Autriche et à 13% en Croatie, selon les données compilées par UBS.
En volume, les Polonais sont ceux qui ont emprunté le plus avec 53 milliards de francs suisses, suivis de la Hongrie (36 milliards) et de la Croatie (7 milliards), précise la banque zurichoise.
Après plusieurs années de croissance économique, la crise financière a mis à mal ce système à partir de 2007. Une forte dépréciation des monnaies locales et un raffermissement du franc ont rendu la situation très délicate pour nombre d'emprunteurs.
Face à l'ampleur du phénomène, les pays concernés ont réagi. L'ensemble des prêts au secteur non bancaire est passé de 117 milliards de francs en 1999 à 389 milliards au troisième trimestre 2008, avant de retomber à 345 milliards au premier trimestre 2010.
En Pologne, où environ 600.000 foyers sont concernés par ces crédits, la Commission de surveillance financière polonaise (KNF) a recommandé à deux reprises en 2010 aux banques de limiter le nombre de crédits en francs.
En Hongrie, le gouvernement a instauré un moratoire jusqu'au 15 avril pour empêcher les expulsions de logements de familles ne pouvant plus honorer leurs mensualités.
Dès 2008, l'autorité autrichienne des marchés financiers (FMA) avait recommandé de ne plus commercialiser ce type d'emprunts et défini en mars 2010 des standards très stricts pour leur délivrance.
Plusieurs banques croates ont quant à elles réduit leurs taux sur ces crédits ou proposés de les convertir en euros.
Au final, "les nouveaux crédits en francs suisses se font rares, mais le montant total reste élevé, ce qui pourrait à long terme créer des problèmes", avertit M. Hettinger.
En attendant, selon Thomas Flury d'UBS, "le pire est passé" concernant la flambée du franc. Mais, prévient-il, de nouvelles difficultés économiques dans la zone euro pourraient faire rebondir la monnaie suisse et encore renchérir le coût de ces crédits.