Les marchés boursiers font preuve d'un optimisme à toute épreuve depuis six mois aux Etats-Unis et en Europe, au point de sembler déconnectés d'une activité économique encore très fragile, sans qu'il s'agisse pour l'heure d'une nouvelle bulle financière, selon des analystes.
Tous les clignotants ou presque sont au vert sur les principales Bourses mondiales.
Le Dow Jones à Wall Street a repris plus de 10% depuis mi-juillet et évolue au plus haut depuis novembre 2007, grâce à des espoirs d'une reprise économique. En Europe, le Dax allemand a rebondi de plus de 20% depuis juillet, à un sommet depuis début 2008. Le CAC 40 sur la Bourse de Paris a quant à lui engrangé des gains similaires mais n'est revenu pour l'instant qu'à ses niveaux de l'été 2011.
"Le marché est en train d'opérer un retournement de long terme. Le mouvement de baisse enclenché sur les actions depuis 2007 se termine", remarque Bertrand Lamielle, directeur de la gestion chez B*Capital (BNP Paribas).
La hausse des marchés ressemble à un rattrapage, tant ils étaient tombés bas en raison de la crise en zone euro.
Depuis le discours en juillet dernier du président de la Banque centrale européenne Mario Draghi prenant fermement la défense de la monnaie unique, "la hausse est logique puisque le scénario d'éclatement de la zone euro, joué par des investisseurs anglo-saxons, s'est éloigné", renchérit Renaud Murail, gérant chez Barclays Bourse.
"Rebond largement justifié"
De même sur le marché de la dette, l'Espagne et l'Italie en ont fini avec les taux d'emprunt exorbitants qu'ils ont connus en 2012, et bénéficient d'une forte détente depuis plusieurs mois.
"Le rebond est largement justifié si l'on considère que les risques importants qui pesaient sur le marché se sont dissipés, dans un contexte où il y a une abondance de liquidités à investir", résume Jean-Louis Mourier, économiste chez le courtier Aurel BGC.
Les actions sont les grandes gagnantes (avec quelques dettes de pays fragiles) des politiques monétaires des grandes banques centrales qui inondent les marchés de centaines de milliards de dollars et d'euros, dans l'espoir de relancer l'économie.
"La liquidité surabondante à travers le monde (...) devrait désormais s'orienter vers les actions plutôt que vers les obligations", observent les analystes chez PrimeView, d'autant que les placements sans risque, comme la dette américaine ou allemande, ne rapportent rien pour les investisseurs.
De leur côté, les marchés des matières premières sont, pour l'instant, épargnés par toute flambée spéculative. La hausse du pétrole est limitée par une offre abondante, celle des métaux industriels s'explique avant tout par la demande réelle et l'or pourrait être concurrencé par le retour vers les actifs risqués.
Cette frénésie sur les marchés boursiers peut sembler paradoxale compte tenu d'une croissance économique encore balbutiante en zone euro ou à peine repartie aux Etats-Unis.
"Les incertitudes qui persistent sur la croissance future justifient qu'on fasse une pause, ou au moins que le rythme de hausse soit plus modéré", prévient M. Mourier, sans parler d'un risque d'une éventuelle rechute de la crise en zone euro.
Les analystes se refusent toutefois pour l'instant à parler d'un risque de bulle sur les actions. "Il n'y a pas encore de risque a priori", souligne M. Murail.
Pour preuve, les valorisations des grands indices boursiers, par rapport aux résultats des entreprises, sont encore en dessous de leur moyenne de long terme.
M. Lamielle reconnaît quant à lui un décalage entre la hausse des marchés et la faiblesse de l'activité économique. Mais "la corrélation n'est jamais immédiate, il y a toujours un phénomène d'anticipation sur les marchés", explique-t-il, ajoutant que les investisseurs pensent que 2012 pourrait avoir marqué un point bas en termes d'activité, en particulier en zone euro.
Pour les analystes, le principal risque réside dans le devenir des politiques monétaires des banques centrales. "Le danger est que les banques centrales reprennent des liquidités", prévient M. Murail.
Autrement dit, si les investisseurs commencent à anticiper un arrêt des politiques monétaires de relance, ils pourraient être tentés de prendre moins de risque, ce qui pourrait peser lourdement sur les actions.