Alors que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ouvre le congrès annuel des HLM à Rennes, le ministère du Logement a annoncé mardi de très mauvais chiffres pour la construction neuve de logements, certains tombant même sous leur niveau d'il y a 20 ans, au moment de la plus grave crise immobilière.
"Jamais, depuis un quart de siècle et la création de l'outil statistique mensuel, un mois d'août n'avait enregistré un aussi petit nombre (7.896) de mises en chantier de logements neufs collectifs", souligne Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université Paris-Ouest et spécialiste du secteur, interrogé par l'AFP.
Le total des mises en chantier de logements neufs, chiffre-clé de la santé du secteur, a baissé pour sa part de 10,3% pour les trois mois allant de juin à août 2012, comparé à la même période en 2011, selon le ministère du Logement.
Depuis 1997, jamais un mois d'août n'avait été aussi mauvais pour le total des mises en chantier. "Entre décembre 2011 et août 2012, le nombre de logements commencés a été divisé par deux et demi. C'est du jamais vu", constate M. Mouillart.
Sur les douze derniers mois (de septembre 2011 à août 2012), avec 341.838 logements commencés, les mises en chantier tombent, pour la première fois depuis longtemps, dans le "rouge" avec une baisse de 2,6% par rapport aux douze mois précédents.
Fortes disparités régionales
Mais il existe de fortes disparités régionales. Le plongeon pour les constructions (y compris sur le bâtiment existant) est très fort pour certaines régions: Languedoc-Roussillon (-25,2%), Champagne-Ardenne (-20,9%), Aquitaine (-18,8%), Pays-de-Loire (-18,7%) et Centre (-17,6%). Par contre certaines autres sont en plein "boom": Corse (+64,1%), Ile-de-France (+22,4%) et surtout Provence-Alpes-Côte d'Azur (près de 100% de hausse).
Les raisons sont toujours les mêmes: montée du chômage, interrogations sur le pouvoir d'achat et baisse des crédits et des aides publiques au secteur.
Sur l'ensemble de l'année 2012 et même en 2013, le nombre de logements commencés devrait être de 310.000, soit une chute de 19% par rapport à 2011 (378.600), selon les estimations de M. Mouillart. Un chiffre très éloigné de l'objectif de 500.000 logements neufs par an, dont 150.000 sociaux, fixé par François Hollande.
"Les mises en chantier se rapprochent dangereusement des niveaux historiquement bas depuis trente ans", s'est inquiété la Fédération française du bâtiment (FFB), tandis que la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a souligné que "ces indicateurs confirment la tendance très préoccupante" du marché.
La FPI s'est toutefois réjouie que le gouvernement a "pris la mesure de la grave crise du logement que traverse notre pays avec des répercussions fortes sur la croissance et l'emploi".
Le dispositif annoncé récemment par la ministre du Logement Cécile Duflot pour remplacer l'an prochain le "Scellier" pour les investisseurs achetant des logements neufs pour les louer devrait, selon M. Mouillart, permettre la vente de 20.000 à 25.000 logements, contre 30.000 cette année, alors que le gouvernement table sur 40.000.
"Les décisions prises aujourd'hui n'auront pas d'effet avant la mi-2014", souligne M. Mouillart.
Surtout que le logement locatif social, enfant chéri du gouvernement, est toujours "en panne" avec seulement 31.567 agréments accordés par l'administration pour les sept premiers mois de l'année, contre 33.976 à la même période de 2011.
Seule lueur d'espoir: les permis de construire décrochent doucement mais ne dévissent pas avec une baisse de 1,2%, pour la période de juin à août.
"Cela signifie que la chute est terminée et qu'on a atteint un palier bas", conclut M. Mouillart.