"Nous les Grecs, nous avons besoin d'un changement de politique en Europe: Seule l'élection présidentielle française peut le permettre": dès mars, dans une Grèce au bout du rouleau, le nom de François Hollande signifiait espoir, même dans les discussions de voisinage.
Dans ce pays francophile, où en deux ans de crise aigüe, pratiquement chaque Grec est devenu capable d'expliquer aussi bien le fonctionnement des arcanes bruxelloises que celui des "spreads" (écarts de taux) obligataires, la campagne présidentielle française a été scrutée et commentée avec passion.
Lundi matin, la Grèce s'est réveillée en plein chaos politique après un vote de colère dimanche qui a propulsé au parlement des partis hostiles aux mesures de rigueur et laminé ceux qui s'étaient engagés vis-à-vis des créanciers du pays à poursuivre la politique d'austérité.
Malgré l'impasse politique dans laquelle se trouve le pays sans majorité et sans gouvernement, les journaux continuent de consacrer beaucoup de place à l'élection française, plaçant tous leurs espoirs sur le président élu François Hollande pour qu'il desserre l'étau d'austérité qui étrangle la Grèce.
"Si la Grèce parvient à une entente nationale, elle gagne du temps jusqu'à ce que le nouveau président de la France assume ses fonctions", a écrit le quotidien To Vima. "Personne ne sait ce que François Hollande va faire. S'il soutient la Grèce à travers la logique de la croissance, il n'est pas exclu que la partie soit gagnée. Si Hollande décide de s'asseoir à la table des négociations, le problème grec pourrait bientôt devenir un problème européen" ajoutait-il.
L'ancien Premier ministre socialiste Georges Papandréou, qui a réussi à être réélu député dimanche dans son fief de Patras alors que nombre de ses anciens ministres ont perdu leur siège sur l'autel des baisses de pension et de salaires qu'ils avaient impulsées, a été l'un des premiers hommes politiques à saluer le "vent du changement" en Europe.
Le quotidien Ta Nea a repris pendant la campagne en énorme un titre volé à l'économiste Thomas Piketty: "François Hollande, Roosevelt de l'Europe", en soulignant le besoin d'un "New Deal" en Europe autour de mesures d'investissements publics pour relancer la croissance, tandis que le très libéral Kathimerini a estimé que le nouveau président français "redéfinirait l'axe franco-allemand".
Dans ce contexte, la tentative mercredi du leader de gauche radical Alexis Tsipras de rencontrer François Hollande avant même sa prise de fonctions pour lui demander de s'engager sur l'austérité afin de contrebalancer les pressions allemandes, consacre aux yeux des Grecs le rôle d'arbitre européen donné au nouveau président.
"Après les élections, François Hollande représente le grand espoir qu'on arrive à un changement de rapports de force et une révision de la politique européenne" résume pour l'AFP le politologue Georges Séfertzis. "Tsipras perçoit cette perspective de changement européen comme un appui très fort à sa propre perspective d'avoir un gouvernement en Grèce qui résistera au mémorandum" d'accord prévoyant des mesures de rigueur en échange de prêts internationaux.
Toute la Grèce pense la même chose, ajoute-t-il. "Car ce qui se passe en France est toujours très important pour la Grèce, où beaucoup sont persuadés que c'est grâce à (l'ex-président français) Valery Giscard d'Estaing que le pays est entré dans la Communauté économique européenne" (CEE). "Ils aimaient Sarkozy aussi, car il rappelait souvent son origine grecque de Salonique, mais c'était plutôt sentimental que politique", ajoute-t-il.