La Grèce, en voulant organiser un référendum sur le plan anticrise de la zone euro, prend de gros risques auprès du Fonds monétaire international, qui pourrait considérer qu'elle a trahi ses engagements et ne mérite plus son soutien.
Le pays pourrait connaître le sort des Etats membres qui n'ont pas satisfait les exigences du Fonds, comme l'Ukraine et le Pakistan: une suspension des paiements, le temps de régler les désaccords.
"Les projets de la Grèce pourraient inciter l'UE, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne à retarder les futurs versements du plan d'aide grec, provoquant une crise de liquidités pour le gouvernement", expliquait Zach Witton, de Moody's Analytics.
Le premier ministre grec Georges Papandréou a annoncé lundi ce référendum, sans avoir consulté ses créanciers internationaux. Vingt jours seulement après avoir trouvé un accord avec la Troïka (FMI, BCE et Commission européenne) sur un versement de 8 milliards d'euros.
Lundi et mardi, le FMI a gardé le silence. Interrogé par l'AFP, il n'avait toujours pas réagi mardi soir à l'annonce d'Athènes.
M. Papandréou doit rencontrer mercredi soir à Cannes (Sud-Est de la France) la directrice générale du FMI Christine Lagarde, le président français Nicolas Sarkozy, hôte d'un sommet du G20, la chancelière allemande Angela Merkel, et les présidents du Conseil européen Herman Van Rompuy et de la Commission européenne José Manuel Barroso.
Le premier ministre grec joue une partie serrée. Son gouvernement n'a pas le luxe de repousser de l'argent frais, ses caisses devant être vides dès ce mois-ci, alors que les marchés de la dette lui sont fermés.
D'après l'agence de notation Fitch, "un rejet du programme UE-FMI récemment négocié augmenterait le risque d'un défaut de paiement forcé et désordonné", l'issue que les créanciers internationaux d'Athènes voulaient éviter à tout prix.
Le projet de référendum complique tous les plans du FMI. Le 11 octobre, sa mission à Athènes a conclu de longues discussions avec la Grèce sur les conditions du versement de la sixième tranche d'un prêt de 30 milliards d'euros. Parmi ces conditions, il n'était pas question de quelque consultation populaire que ce soit.
La décision de M. Papandréou jette donc un coup de froid sur les relations entre Athènes et l'institution de Washington. Elles n'étaient déjà pas au beau fixe.
Au moment de sa prise de fonctions en juillet, Mme Lagarde était plutôt bienveillante à l'égard de la Grèce et ouverte à l'idée d'augmenter le montant des prêts au pays. Elle l'est de moins en moins depuis septembre, face à l'échec patent du pays dans le respect des objectifs budgétaires qui lui étaient assignés pour 2011.
L'ancienne ministre française répète à l'envi que le gouvernement hellène doit avant tout tenir les promesses faites à ses partenaires. "L'engagement indéfectible des autorités grecques à mettre en oeuvre les réformes économiques convenues reste, bien entendu, primordial", écrivait-elle le 27 octobre à l'issue d'un sommet de la zone euro à Bruxelles.
Le conseil d'administration du FMI, où siègent les représentants de 24 pays et groupes de pays, doit encore approuver le versement à la Grèce. Dans l'immédiat, il pourrait considérer l'accord du 11 octobre comme nécessitant une rénégociation, voire comme caduc.
Le pire scénario pour la zone euro serait qu'une coalition d'Etats membres se crée pour considérer que la Grèce ne mérite plus le soutien de l'institution. La question doit être débattue au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du G20 jeudi et vendredi.
Robert Zoellick, le président de l'institution-soeur du FMI, la Banque mondiale, considérait mardi le projet de référendum comme un "coup de dés". "Si ça passe, ce pourrait être un signal positif pour les gens. Si cela échoue ce sera le bazar!", s'inquiétait-il.
"Le vote sera non", était persuadé le prix Nobel d'économie Paul Krugman.