Échanges aigres-doux entre Grèce et Allemagne, critiques contre la troïka, le débat sur la dette grecque revient à petites touches, mais les différents acteurs devraient le garder tempéré avant les élections européennes en mai prochain.
"Encore cinquante ans de troïka!", celle des créanciers internationaux FMI, BCE et UE, se lamentait jeudi le quotidien de gauche Eleftherotypia, résumant les rumeurs de la semaine.
Selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, un troisième plan d'aide à la Grèce de 10 à 20 milliards d'euros (après déjà 240 milliards depuis 2010) serait envisagé. La presse financière à Bruxelles a évoqué des discussions autour d'une prolongation de 30 à 50 ans des délais de remboursement de la dette grecque (175,5% du PIB) et la réduction des taux d'intérêt d'un demi point.
Mais rien ne sera tranché avant les élections européennes de mai, ont laissé entendre des responsables de l'Union européenne.
"Ces fuites font partie du jeu pré-électoral, il ne faut pas leur donner trop d'importance, c'est après le scrutin que tout se jouera", estime Napoleon Maravegias, professeur d'économie à l'université d'Athènes.
En attendant, chaque camp avance ses pions, analyse-t-il alors que le gouvernement affronte aussi des élections locales risquées face à la gauche radicale Syriza, favorite dans les sondages. "La Grèce trouve dans ces rumeurs l'occasion de rappeler qu'elle n'acceptera pas une aide conditionnée à un troisième plan de rigueur", selon M. Maravegias. Tandis qu'en Allemagne, "il faut évoquer les choses avant les élections, sinon les citoyens accusent les candidats de les avoir trompés", rappelle-t-il.
"Cocktail de mesures"
Le tabloïd populaire allemand Bild n'a pas, pour autant, adouci ses accents anti-grecs, titrant mercredi : "Les Grecs sont plus riches que nous ! (...) mais le gouvernement prépare une nouvelle aide de plusieurs milliards".
Par ailleurs, le vice-chancelier allemand social-démocrate Sigmar Gabriel a lancé cette semaine, selon Die Welt, que la Grèce "relève plutôt de la Banque mondiale que du FMI, en raison de l'absence de structures étatiques".
En retour, le vice-Premier ministre grec Evangelos Venizelos a relevé devant les eurodéputés socialistes à Strasbourg que, derrière presque chaque affaire de corruption en Grèce, "il y a une entreprise allemande".
Si Athènes revendique l'allègement du poids de sa dette, en vertu d'engagements pris par ses partenaires européens en 2012, elle rejette tout nouveau "memorandum" sur une aide financière. Les conditions de la troïka à chaque tranche d'aide sont drastiques, et peuvent concerner jusqu'à "la réglementation de la date de péremption du lait!", constatait jeudi à Athènes M. Venizelos.
Face à un électorat majoritairement très remonté, le gouvernement grec ne veut plus de cette image d'obéissance.
Et comme l'arrivée au pouvoir de Syriza, opposé à la rigueur européenne, n'est sûrement pas souhaitée non plus par la troïka celle-ci, sans être complètement satisfaite des réformes entreprises, pourrait choisir, plutôt qu'un nouveau memorandum, de mettre en place un "cocktail de mesures techniques", plus présentable aux Grecs, estime un observateur occidental. Un peu dans la veine du "programme de précaution" déjà évoqué pour le Portugal convalescent.
Avant cela, l'institut statistique européen Eurostat doit reconnaître officiellement, en avril, que la Grèce a bien dégagé un excédent budgétaire en 2013, hors remboursement de la dette.
Dans cette nouvelle partie serrée engagée avec Bruxelles et le FMI, le gouvernement grec pourrait bénéficier d'une donnée nouvelle: la montée des critiques anti-troïka symbolisée par le rapport en cours de rédaction par des eurodéputés sur le bilan de cet attelage monté dans l'urgence pour éviter une faillite de la Grèce en 2010.
Un compte-rendu confidentiel d'une réunion du Fonds monétaire international de mai 2010 sur la Grèce, mis en ligne cette semaine par le Wall Street Journal, fait état de doutes de membres du conseil d'administration quant à l'efficacité du premier programme d'assistance.
Selon le quotidien libéral grec Kathimerini, le gouvernement songerait, lui, à lier une troisième aide financière à la reconnaissance par ses partenaires qu'une partie des besoins budgétaires actuels de la Grèce vient des erreurs des programmes précédents.