Après avoir mis la main sur plusieurs hôtels de luxe et le Paris Saint-Germain, le Qatar s'apprête à devenir l'unique propriétaire d'un autre lieu emblématique français, les grands magasins du Printemps.
Selon des documents reçus par l'AFP, un groupe d'investisseurs qataris doit racheter, via Disa, une société d'investissements luxembourgeoise, les participations à la fois de la Deutsche Bank, qui souhaitait céder ses 70% du Printemps, et de la société italienne Borletti, détentrice des 30% restants.
Il était prévu au départ que Borletti s'associe aux Qataris pour financer le rachat des parts de la Deutsche Bank (Rreef) tout en restant propriétaire du groupe de grands magasins. A l'arrivée, le groupe italien lui-même va aussi tomber dans leur escarcelle.
Les investisseurs qataris, dont l'identité n'est pas révélée, ont "souhait(é) également acquérir l'intégralité du capital de Borletti Group. C'est dans ce cadre que les actionnaires de Borletti Group ont également choisi de céder la totalité de leur participation dans Borletti Group à Disa", indiquent les documents.
"De sorte qu'à la fin de l'opération, cette dernière serait propriétaire de 100% de Borletti Group, qui serait elle-même propriétaire de 100% de PHL" (Printemps Holding Luxembourg, qui détient l'intégralité du Printemps, ndlr).
Le montant de cette opération, qui devrait se conclure d'ici l'été, n'est pas spécifié. Selon Médiapart, le montant de la cession du Printemps atteindrait 1,6 milliard d'euros. Fin 2012, les Galeries Lafayette avaient fait en vain une offre de rachat pour 1,8 milliard.
Le Printemps dispose de 16 magasins en France, dont son vaisseau amiral sur les Grands Boulevards parisiens. Il avait été cédé en octobre 2006 par PPR pour 1,075 milliard d'euros. Depuis, le chiffre d'affaires du groupe a bondi de 30% pour atteindre 1,45 milliard d'euros en 2011.
Selon les documents, une fois le rachat effectué, les Qataris conserveront la direction actuelle du Printemps, avec à sa tête Paolo de Cesare. Borletti resterait également en temps que conseiller.
La stratégie de rénovation et d'ouvertures de magasins sera également conservée.
Le texte se veut enfin rassurant pour les 3.400 salariés du groupe qui "conserveraient le même employeur" et "cette opération assurerait donc pour eux une continuité de leurs droits contractuels".
Les syndicats se déclarent toutefois inquiets pour les salariés des magasins de province parce que le Printemps "n'est pas propriétaire des murs et il n'est pas certain que les investisseurs qataris aient le souhait de les conserver", indique Bernard Demarcq, secrétaire général du syndicat UGICT-CGT.
Un CCE est prévu ce vendredi.
Ce rachat marque un nouveau pas d'importance dans la stratégie d'investissements du Qatar dans l'Hexagone, qui accueille environ 10% des investissements de l'émirat à l'étranger.
Le Qatar a déjà investi dans plusieurs hôtels de luxe français (Royal Monceau, Concorde Lafayette, Hôtel du Louvre à Paris, Carlton et Martinez à Cannes, Palais de la Méditerrannée à Nice).
Il possède aussi des participations dans de nombreuses grandes entreprises tricolores (Total 3%, Vinci 7%, Lagardère 12%, Veolia Environnement 5%, LVMH 1%, ou Vivendi 3%), et détient l'emblématique club de football de la capitale, Paris-Saint-Germain (PSG).
En juin 2012, il s'est offert le prestigieux immeuble parisien du 52-60 avenue des Champs-Elysées, qui abrite Monoprix et Virgin Megastore.
Ces prises de participation tous azimuts ont suscité des critiques en France. La ministre française du Commerce extérieur Nicole Bricq a toutefois assuré le 12 mars que "les investissements qataris sont et resteront bienvenus en France. Nous souhaitons même qu'ils s'amplifient".