par Alexander Winning et Vladimir Abramov
MOSCOU (Reuters) - Le rouble perdait plus de 15% mardi sur le marché des changes, sa plus forte baisse depuis la crise financière russe de 1998, la confiance dans la capacité de la banque centrale s'étant effondrée après la hausse de taux inefficace annoncée pendant la nuit.
La devise russe a certes débuté la journée sur un rebond de 10% face au dollar après le relèvement de 650 points de base, à 17%, du taux directeur de la banque centrale. Mais il a rapidement repris le chemin de la baisse et inscrit de nouveaux plus bas, portant à plus de 50% sa baisse face au billet vert depuis le début de l'année.
Vers 12h00 GMT, il se traitait à 75,6450 pour un dollar, en repli de près de 15%. Face à l'euro, il cédait 17,4% à 92,60.
Sur le marché actions, l'indice RTS, calculé en dollar, affichait alors une baisse de 15,7%. Les cours des obligations d'Etat russes en dollar reculaient eux aussi fortement, tandis que les taux du marché monétaire s'envolaient.
Le président russe, Vladimir Poutine, a attribué la baisse de la monnaie nationale et celle du pétrole à la spéculation et à la politique occidentale.
La dépréciation du rouble constitue un test politique majeur pour le chef de l'Etat, dont la popularité dépend en partie de sa réputation de garant de la prospérité et de la stabilité économiques.
"La banque centrale va avoir beaucoup de mal à stabiliser le rouble tant que la forte baisse des cours du pétrole continuera, donc cette hausse de taux très offensive pourrait ne pas suffire", explique Vladimir Miklachevski, économiste de Danske Bank.
Une source proche du Kremlin a déclaré ne pas savoir si Vladimir Poutine avait ordonné à la banque centrale de relever son taux directeur ou s'il avait simplement approuvé cette décision.
"Je ne peux pas vous dire qui a appelé qui mais il ne s'agit pas d'un simple ajustement mineur, il s'agit d'une énorme hausse de taux, donc il est évident que le président a été impliqué", a dit la source.
LA BANQUE CENTRALE NE CONVAINC PLUS
Le cours du baril de Brent est passé sous le seuil de 60 dollars mardi pour la première fois depuis juillet 2009. Vers 12h00 GMT, il s'échangeait à 58,76 dollars, en baisse de plus de deux dollars. Cette évolution augmente la probabilité d'une récession l'an prochain en Russie.
Outre l'impact de l'effondrement du prix de l'or noir, la chute du rouble reflète aussi la baisse de confiance dans la banque centrale, dont la gouverneure, Elvira Nabioullina, semble désormais incapable d'enrayer l'évolution des marchés.
"Si une telle hausse des taux d'intérêt n'impressionne pas le marché, alors (la banque centrale) n'aura plus comme solution que des interventions à hauteur de 10 milliards de dollars par jour. Elle est de nouveau active sur le marché, elle y est chaque jour", a dit Natalia Orlova, d'Alfa Bank.
Mardi, Elvira Nabioullina a dit sur une chaîne de télévision publique que la hausse du taux directeur visait à endiguer les effets néfastes de la faiblesse du rouble.
Les autorités monétaires ont déjà consacré plus de 80 milliards de dollars à la défense du rouble, dont plus de huit milliards depuis leur décision de le laisser flotter librement le mois dernier. Et Moscou dispose encore de 416 milliards de dollars de réserves.
Mais pour certains analystes, le rouble est désormais la proie d'un mouvement de panique.
"C'est la preuve éclatante que ce qui oriente la devise russe aujourd'hui, ce n'est pas le pétrole, ni même l'attente d'une décision, mais la panique alimentée par un certain nombre de rumeurs sur un retour de notre pays au régime '98'", explique Alena Afanassieva, analyste senior de Forex Club à Moscou.
En 1998, le rouble s'était effondré en quelques jours, ce qui avait conduit à un défaut de la Russie sur sa dette. Et même si les finances publiques et les réserves du pays sont aujourd'hui bien plus solides qu'il y a 16 ans, les analystes n'excluent pas une crise monétaire de grande ampleur.
(avec Lidia Kelly, Katya Golubkova et Elena Fabrichnaya, Marc Angrand pour le service français, édité par Benoît Van Overstraetens, édité par Benoît Van Overstraeten)