Une large majorité d'investisseurs souhaitent des changements dans le fonctionnement des agences de notation afin de faciliter leur mise en cause, de réduire les conflits d'intérêt et de renforcer la concurrence entre elles, selon un sondage Ifop diffusé mercredi par le Sénat.
A la question "considérez-vous qu'il faille faciliter la mise en cause de la responsabilité des agences de notation", 80% des investisseurs interrogés ont répondu de manière positive.
Ils sont 63% à estimer que l'on pourrait dans ce but aligner leur régime sur celui des commissaires aux comptes et 17% à vouloir que cette mise en cause soit facilitée "de la manière la plus large possible".
Au total, 20% des investisseurs estiment au contraire qu'il ne convient pas de faciliter la mise en cause des agences, 6% répondant "pas du tout" à la question et 14% "non, sauf grave négligence ou intention de nuire".
Ce sondage est publié dans le cadre d'une mission du Sénat français sur la crédibilité des agences lancée le 13 mars et présidée par la sénatrice PS des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac, avec pour rapporteur le sénateur du Gers Aymeri de Montesquiou (Union centriste et républicaine).
"Les agences n'ont pas de responsabilité juridique, il est tout à fait invraisemblable que des entités qui font en quelque sorte la pluie et le beau temps sur les marchés n'aient aucune responsabilité juridique", a déclaré Michel Aglietta, professeur d'économie à l'Université Paris X-Nanterre, auditionné mardi par la mission.
Introduire la notion de responsabilité juridique "tuerait l'industrie (de la notation) assez rapidement", a déclaré mercredi le PDG de l'agence Fitch, Paul Taylor, en marge du congrès annuel de l'Institut de la finance internationale (IIF), à Copenhague (Danemark).
"Cela ferait sauter le système" et "vous ne verriez plus d'agences de notation", a-t-il prévenu.
Les investisseurs sont 74% à se dire prêts à payer pour les notations plutôt que de maintenir le système actuel de l'émetteur de dette noté et payeur à la fois, un système qui s'est attiré des critiques en raison des conflits d'intérêt qu'il implique.
"Ceci mesure l'ampleur du changement souhaité: il est rare que des utilisateurs souhaitent payer alors que le service qui leur était offert est gratuit", ont commenté les responsables de la mission du Sénat dans un communiqué accompagnant les résultats du sondage.
Enfin, 64% attendent plus de concurrence sur le marché de la notation (25% un peu plus et 39% beaucoup plus).
Sur un autre question qui a fait polémique concernant l'importance accordée aux trois grandes agences internationales, Standard and Poor's, Moody's et Fitch, 41% des investisseurs interrogés ont estimé qu'il fallait mettre fin à la référence aux agences dans les réglementations.
Il faut "supprimer toute référence aux agences dans les contrats financiers et dans Bâle III", a estimé M. Aglietta, en référence aux nouvelles directives internationales destinées à rendre le secteur financier plus sûr, adoptées en 2010 et qui vont entrer progressivement en vigueur, à partir de 2013 et d'ici 2019.
Il est "crucial" pour lui de "banaliser totalement les agences et qu'elles reviennent à ce qu'elles étaient au début du 20e siècle: des entités qui rassemblent l'information pour ceux qui veulent bien l'utiliser".
"Le rôle des agences est hypertrophié et dangereux", a-t-il lancé.
L'enquête a été réalisée par téléphone du 9 au 22 mai auprès de 352 investisseurs utilisant les agences de notation dans le cadre de leur activité. la représentativité a été assurée par la méthode des quotas (taille, secteur d'activité) après stratification par région, expliquent les auteurs du sondage.