Flou, inefficace pour endiguer la contagion, insuffisant sur le plan du fédéralisme budgétaire, l'accord conclu la semaine dernière pour sauver la Grèce essuie les critiques d'analystes et n'a pour l'instant pas réussi à convaincre durablement les marchés.
Les places financières avaient bien réagi jeudi et vendredi après que les chefs d'Etat et de gouvernements de la zone euro soient tombés d'accord pour ouvrir la porte à un allègement de la dette grecque.
Mais une semaine après ce sommet extraordinaire, l'optimisme est retombé.
Milan chute de 3,30% ce mercredi, la Bourse de Paris signe sa troisième séance consécutive de baisse (-1,11%) et les taux auxquels empruntent les pays dits "fragiles" de la zone euro, aux premiers rangs desquels l'Espagne et l'Italie, sont repartis à la hausse sur le marché obligataire.
"Ce qui a été dit et fait n'est qu'un pas de plus, le minimum pour éviter un effondrement imminent" de la zone euro, jugeait sévèrement Kenneth Rogoff, ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI) dans Le Monde deux jours après l'annonce du plan d'aide à Athènes.
"On ne peut pas parler d'un sommet pour rien, mais cet accord comporte trop de zones d'ombre et les investisseurs n'aiment pas l'incertitude", commente pour sa part Franklin Pichard, directeur de Barclays Bourse.
La grande inconnue réside dans la participation du secteur privé, c'est-à-dire des banques, fonds de pension et autres compagnies d'assurances.
"On nous a parlé d'une participation à hauteur de 50 milliards d'euros, mais on ignore qui va apporter quoi et sur quelle période", souligne Géraud Missonnier de chez Saxo Banque.
Plusieurs options seront en effet proposées aux créanciers privés. Ils pourront échanger leurs titres de dette contre des obligations de plus longue durée, accepter une décote sur la valeur des obligations qu'ils détiennent ou s'engager à racheter les nouvelles émissions de titres grecs.
"Cet écran de fumée, posé par les dirigeants européens pour ne pas froisser les susceptibilités, ne facilite pas l'évaluation des coûts pour chaque banque et donc l'impact sur leurs résultats", remarque Christian Parisot, analyste pour le courtier Aurel.
De même, le principe d'engagement des créanciers privés sur "une base volontaire", selon les termes de l'accord signé jeudi, entretient le flou.
Plusieurs économistes jugent en fait que les banques pourraient être obligées de participer à l'effort par voie réglementaire par exemple.
Le risque de contagion du cas grec à d'autres pays de la zone euro ne semble pas non plus écarté.
"On a donné des moyens au Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour la Grèce, mais les Etats n'auront sans doute pas les mêmes pour aider l'Italie ou l'Espagne", souligne Wilfrid Pham chez Natixis.
Pour rassurer durablement les marchés, il faudrait aller, à ses yeux, beaucoup plus loin.
"Nous n'avons pas avancé sur la question du fédéralisme budgétaire", déplore-t-il.
Et de s'interroger. "Le seuil autorisé d'un déficit à hauteur de 3% du PIB est-il encore pertinent aujourd'hui ? Ne faut-il pas envisager de mettre en place une instance supranationale chargée de coordonner les politiques budgétaires ?".
Enfin, les marchés s'inquiètent de la mise en oeuvre éminemment politique de l'accord qui doit être voté par l'ensemble des Parlements des Etats de la zone euro pour entrer en vigueur.
L'adoption ne devrait pas poser de problème en France, mais d'autres pays risquent de traîner des pieds.
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a ainsi voulu rassurer dès mercredi son opinion publique, refusant de "signer un chèque en blanc" pour le rachat d'obligations de pays en difficulté par le FESF, au risque de brouiller une fois encore le message des Européens sur les vertus de leur plan de sauvetage.