Lufthansa, première compagnie aérienne d'Allemagne, se défend d'avoir tenté de passer sous silence ses activités pendant le régime nazi depuis la diffusion d'un documentaire gênant.
Compagnie civile, Lufthansa a servi le régime. Pendant la guerre elle a notamment été chargée de réparer des avions de la Luftwaffe. Mais dans sa chronologie officielle sur internet (http://konzern.lufthansa.com/en/history), elle préfère évoquer les liaisons aériennes qu'elle a maintenues avec les pays neutres et ne parle pas du travail forcé.
Comme la plupart des entreprises allemandes, elle a employé de la main-d'oeuvre forcée, environ 10.000 hommes et femmes originaires de territoires occupés, rappelle un documentaire diffusé cet été sur Arte et sur la première chaîne allemande ARD.
Le film se base sur une recherche historique commandée par Lufthansa en 1999 après plusieurs plaintes d'anciens travailleurs contraints déposées aux Etats-Unis. Cette étude détaille les conditions de travail particulièrement pénibles pour les travailleurs forcés, en particulier ceux d'Europe de l'Est et de l'Union soviétique.
"On m'avait promis verbalement que mon étude serait publiée en livre. Mais cela ne s'est jamais fait et on ne m'a jamais fourni d'explication", a déclaré à l'AFP Lutz Budrass, historien de l'université de Bochum (ouest). Ce qu'il a découvert a probablement "effrayé" Lufthansa, selon lui.
Fin juillet, presque simultanément avec la première diffusion du documentaire, l'étude a été mise en ligne sur l'intranet du groupe.
Elle a toujours été disponible gratuitement sur demande, fait remarquer Lufthansa. Encore fallait-il connaître son existence.
La compagnie est passée à la contre-offensive pour rassurer ses salariés. "Nous avons déjà apporté une contribution importante et nécessaire" à la recherche de la vérité en commandant cette étude, se défend Stefan Lauer, le directeur du personnel du groupe, dans l'hebdomadaire interne Lufthanseat.
En outre, Lufthansa va organiser pour la première fois le 15 septembre une journée portes ouvertes de ses archives à Francfort (ouest), mais réservée à ses employés.
Lufthansa répète qu'elle n'est pas responsable juridiquement des actes commis sous le régime nazi. L'ancienne compagnie a été liquidée par les Alliés en 1950. La nouvelle, fondée en 1953, a néanmoins repris le nom, le logo et une grande partie des employés.
"Lufthansa devrait arrêter de faire comme si elle n'avait rien à voir avec ce qu'il s'est passé avant sa refondation. Elle devrait être plus transparente (...) et essayer de s'occuper de ses anciens travailleurs forcés. Une grande compagnie comme elle pourrait montrer plus de générosité", sermonne Lutz Budrass.
Christoph Weber, l'auteur du documentaire, a rencontré d'anciens ouvriers contraints de Lufthansa ou leurs proches, en Pologne et en Ukraine. Certains ont été indemnisés, d'autres non. "Ce que tous vivent comme une humiliation, c'est le fait que Lufthansa ne se soit jamais excusé auprès d'eux", dénonce-t-il.
Lufthansa, comme quelque 6.500 entreprises allemandes, a contribué au financement de la fondation Mémoire, responsabilité et avenir (EVZ), qui a versé 4,4 milliards d'euros de dédommagement à plus de 1,6 million d'anciens travailleurs forcés ou à leurs héritiers.
Mais beaucoup d'autres, ne répondant pas aux critères, n'ont jamais été indemnisés. Les dernières recherches historiques évaluent jusqu'à 20 millions le nombre de travailleurs forcés dans l'Europe hitlérienne.
D'autres entreprises allemandes comme Volkswagen sont allées à la rencontre de leurs anciens travailleurs forcés et édifié des monuments en leur mémoire, rappelle le réalisateur.