La planète financière connaîtra cette semaine un nouveau marché avec l'ouverture de la Bourse de Vientiane, petite capitale d'un Laos solidement arrimé aux valeurs communistes mais qui ose s'engager, depuis quelques années, dans l'aventure de l'économie de marché.
L'ouverture mardi de cette Bourse, d'abord toute petite, marquera la dernière étape en date d'un ensemble de réformes économiques engagées depuis deux décennies.
Le parti communiste, au pouvoir sans partage depuis 1975, a sur bien des points suivi l'exemple -- à un rythme toutefois plus lent -- de ses voisins chinois et vietnamiens.
Mais à l'inverse de ses deux alliés idéologiques, l'ex-colonie française, peuplée de six millions d'habitants, est dépourvue de tissu industriel.
Elle tente de compléter ses revenus agricoles et sa dépendance à l'égard de l'aide étrangère par des exportations de minerais et la production d'électricité pour ses voisins. L'une des deux compagnies échangées à partir de mardi est ainsi une créature du groupe public Electricité du Laos (EDL).
Le président du Lao Securities Exchange (LSX), qui a demandé conseils à la Corée du Sud et à la Thaïlande, croit fermement en la capacité de ce nouvel outil de créer un dynamisme nouveau, dans ce pays où la majorité de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
"Cela va beaucoup aider l'économie", estime Dethphouvang Moularat. A côté d'un marché des devises déjà existant, "la Bourse va devenir une autoroute de capitaux".
Les efforts de Vientiane ont été récompensés ces dernières années. En juin 2009, le président américain avait même estimé que le Laos avait "cessé d'être un pays marxiste-léniniste" et l'avait retiré d'une liste noire des pays portant atteintes aux règles du commerce international.
Aux côtés d'EDL, la Banque pour le commerce extérieur du Laos (BCEL), publique elle aussi, fera son entrée sur le marché. "Le gouvernement veut que ces deux entreprises dopent la confiance des investisseurs quant aux bénéfices du marché", justifie Dethphouvang.
D'ici à la fin de l'année, trois à cinq groupes privés pourraient se joindre à elles. Mais compte tenu des exigences élémentaires d'une entrée en Bourse et de l'absence de transparence dans les comptes des sociétés, le chiffre d'affaire restera fort modeste.
"Pour l'instant, l'intérêt des investisseurs s'est limité aux ressources naturelles telle que les mines et l'électricité hydraulique. Et je n'imagine pas un changement rapide", explique Nick Owen, de l'Economist Intelligence Unit, émanation de l'hebdomadaire libéral britannique The Economist.
"Le Laos est l'un des pays les plus pauvres d'Asie du sud-est avec des niveaux de revenu très en deçà du Vietnam voisin, et les opportunités d'investissement resteront limitées pour encore quelques années".
Mais d'autres étapes importantes vont malgré tout accélérer le processus. "L'entrée à terme du Laos dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est susceptible d'être particulièrement significative", admet l'expert.
Dao-Heuang Group, l'un des plus grands groupes privés du pays avec des intérêts dans l'import-export, le café et l'immobilier, s'est déjà mis au travail.
"Nous nous restructurons pour être transparents avant notre listage sur le marché, pour que les investisseurs aient confiance en nous", promet son directeur général, Sisouphonh Sihalath.
La fierté pointe déjà. "D'ici à mi-2011, Dao-Heuang sera la première entreprise privée listée sur le LSX".