Plus de 11 ans après son départ brutal de Vivendi, l'ex-PDG du groupe, Jean-Marie Messier, a comparu lundi devant la cour d'appel de Paris, où il doit répondre, une nouvelle fois, de sa communication et des conditions de son départ.
Le procès, qui doit durer près de cinq semaines, a débuté par une audience essentiellement consacrée à des questions de procédure.
En apparence détendu, le teint halé, M. Messier s'est présenté à la cour comme "associé-gérant d'une société de conseil en fusions-acquisitions", la banque d'affaires Messier Maris et Associés. Cette activité lui assure un revenu fixe de 30.000 euros par mois, assorti d'une partie des résultats de la société. En 2012, il a perçu, à ce titre, un million d'euros, a-t-il dit.
En première instance, M. Messier avait été condamné, fin janvier 2011, à trois ans d'emprisonnement avec sursis et 150.000 euros d'amende, jugement en net décalage avec les réquisitions du parquet, qui avait demandé la relaxe.
Le tribunal avait retenu contre lui la diffusion d'informations fausses ou trompeuses sur les perspectives de son groupe, ainsi que l'abus de biens sociaux, écartant le troisième chef, la manipulation de cours.
Des presque huit années très riches passées par Jean-Marie Messier à la tête de la Compagnie générale des eaux, devenue Vivendi en 1998, seuls quelques moments choisis seront examinés à l'audience.
Ce n'est d'ailleurs pas tant la gestion de M. Messier, notamment l'accumulation de dettes colossales, que sa communication publique qui est ici en cause.
Il s'agit de quatre communications institutionnelles, intervenues entre décembre 2000 et avril 2002. Elles ont donné, pour trois d'entre elles, une image fausse de la situation du groupe, a considéré le tribunal en première instance.
Les quelque 200 petits actionnaires parties civiles faisaient valoir que cette communication pouvait les avoir incités à conserver leurs actions, alors que la situation de Vivendi Universal se détériorait.
Renoncement à 20,5 millions d'euros d'indemnités et primes
"Jean-Marie Messier a adopté vis-à-vis du marché un comportement de véritable +prestidigitateur de dette+", a estimé le tribunal correctionnel de Paris dans son jugement.
Un comportement qui pouvait "à la rigueur" être décrypté par les professionnels de la finance, "mais certainement pas par l'actionnaire individuel, auquel cette communication s'adressait également et qui ne pouvait qu'être trompé par cette présentation tronquée et fallacieuse", toujours selon le jugement.
Pour autant, le tribunal n'a pas fait preuve de la même sévérité au civil, accordant aux petits actionnaires 10 euros de dommages et intérêts par titre détenu, somme qu'ils estiment insuffisante. Ils font valoir qu'en moins de deux ans et demi, l'action est passée de 150 euros (le 10 mars 2000) à 8,6 euros (le 16 août 2002).
En marge de l'audience, Me Frédérik-Karel Canoy, avocat de plusieurs dizaines de ces actionnaires anonymes dont certains étaient présents lundi, a dit son espoir de voir la cour leur accorder "le minimum" au civil, soit, selon lui, 160 euros par action.
Il a dressé un parallèle avec l'affaire Kerviel, rappelant que la présidente, Mireille Filippini, avait également présidé la formation qui avait jugé l'ancien trader en appel et accordé 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts à Société Générale.
En première instance, M. Messier a également été jugé coupable d'abus de biens sociaux pour avoir obtenu du directeur général de l'époque, Eric Licoys, la signature d'une convention de départ qui prévoyait notamment 20,5 millions d'euros d'indemnités et primes.
Des indemnités qui ne seront pas validées par le conseil d'administration et auxquelles renoncera finalement M. Messier, aujourd'hui âgé de 56 ans.
Lundi, les avocats d'un autre prévenu, le Canadien Edgar Bronfman Jr, ont plaidé la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant le délit d'initié, qui est reproché à leur client. Ils ont fait valoir que la définition figurant dans le code monétaire et financier était imprécise et devait être clarifiée.
La cour se prononcera mardi sur la transmission éventuelle de cette question à la Cour de cassation.