Le groupe germano-chinois de vêtements Esprit, qui estime avoir "perdu son âme", a nommé cette semaine un nouveau patron débauché chez Zara, dans l'espoir de trouver un second souffle.
La tâche s'annonce rude pour José Manuel Martinez, un Espagnol de 42 ans, même s'il dispose d'une précieuse expérience de direction des opérations et de la distribution chez le numéro un mondial du textile, Inditex, propriétaire de la chaîne de vêtements à succès Zara.
Appréciant son profil de connaisseur du métier, les investisseurs ont plébiscité l'action Esprit, cotée à la Bourse de Hong Kong, à l'annonce de sa nomination mardi: le titre, abonné à la baisse depuis 2008, s'est envolé de 28% sur la séance.
Un bond toutefois "excessif", de l'avis unanime des analystes. "Cette nomination est positive mais ce n'est qu'une première étape", a jugé Anne Ling de Deutsche Bank. Ses confrères de Bank of America-Merrill Lynch ont prédit à M. Martinez "un chemin long et semé d'embûches".
Car Esprit est mal en point. Son dernier bénéfice opérationnel annuel a fondu à quelque 70 millions d'euros, contre près de 400 millions d'euros un an plus tôt, plombé par une profonde restructuration en cours pesant 1,7 milliard d'euros, qui devrait affecter ses résultats cette année et en 2013.
Et ce alors que ses concurrents directs, Zara et le suédois H&M, bien que tout autant exposés aux aléas de la conjoncture mondiale, continuent de croître à un rythme soutenu, grâce à leur capacité à s'adapter rapidement aux dernières tendances de la mode.
Présent dans plus de 40 pays, Esprit se veut "une marque internationale de vêtements et d'accessoires, avec des produits haut de gamme à un prix abordable, au look jeune et élégant" pour hommes, femmes et enfants, selon son site internet.
Mais elle a "perdu progressivement son âme ces dernières années", de l'avis même de son patron sortant, le Néerlandais Ronald Van der Vis, en septembre. Au cours de son expansion internationale tous azimuts jusqu'en 2008, "l'héritage de la marque a été négligé et le client n'était plus au coeur de l'attention", avait-il ajouté.
Manque d'originalité
Esprit est en effet loin de la fraîcheur de ses débuts en 1968, quand ses créateurs, le couple américain hippie Douglas et Susie Tompkins -également à l'origine de la marque The North Face- vendaient ses premiers articles en sillonnant la Californie à bord d'un minibus Volkswagen.
Ses fondateurs ne sont plus aux commandes depuis longtemps. Le groupe est coté depuis 1993 à Hong Kong et son capital est flottant à 100%. Il a deux sièges, l'un à Ratingen près de Düsseldorf (ouest de l'Allemagne) et l'autre à Hong Kong.
Depuis mi-2008, le chiffre d'affaires du groupe décline, ses collections sans originalité ne séduisent plus les clients. Le départ en janvier 2008 de sa principale styliste, l'Américaine d'origine coréenne Melody Harris-Jensbach, partie chez Puma, n'a guère arrangé les choses.
Ronald Van der Vis a réagi l'an dernier en lançant un plan de restructuration global des activités, impliquant la fermeture de plus de 170 magasins non rentables. Le groupe a notamment fermé toutes ses boutiques en Amérique du Nord, Espagne, Suède et Danemark.
En parallèle il groupe prévoit d'ouvrir d'ici 2015 185 nouveaux magasins en mettant l'accent sur ses principaux marchés européens, les pays germanophones (Allemagne, Autriche et Suisse), la France et le Benelux. Il veut aussi rajeunir son image avec des "concept-stores" et mieux choisir ses grossistes.
Son autre offensive aura lieu en Chine, son deuxième marché national derrière l'Allemagne, où le groupe compte passer à 1.900 points de vente d'ici 2015, contre environ 1.000 actuellement.
Et pour insuffler le nouvel "Esprit", M. Martinez pourra s'appuyer sur une revenante: Melody Harris-Jensbach, de retour depuis janvier en tant que responsable de tous les produits, du design des collections et des activités de licence.