Au restaurant, le cuisiné maison se fait plus rare dans les assiettes, remplacé par du partiellement, voire tout préparé à l'extérieur, sauf sur les tables étoilées: c'est "pour le bien des clients", assurent les professionnels, qui pourtant ne s'en vantent pas.
"Dessert du jour: tarte aux pommes maison!", annonce l'ardoise. Mais quid du moelleux au chocolat proposé sur la carte sans mention "maison"? Et de la crème brûlée ? Surgelé pour le premier. Préparation vendue en brick pour la seconde.
Au salon de la restauration, organisé jusqu'à mercredi à Villepinte, près de Paris, les tartes au chocolat sont prêtes à assembler. Le chocolat se commande en poches plastiques d'un litre, se verse dans des fonds de tarte tout prêts, comme avec une douille.
"Attention, ce n'est pas +l'aile ou la cuisse+. Aujourd'hui la qualité est là !", explique François Blouin, directeur du cabinet d'études Foodservicevision, en référence au film de Claude Zidi sur la "malbouffe" des années 70.
Deux raisons avancées pour justifier cette sous-traitance: l'hygiène et le personnel.
Le fait-maison doit être consommé dans la journée ou jeté, alors que les produits préparés dans les conditions d'hygiène très strictes imposées à l'agroalimentaire permettent une conservation plus longue, souligne M. Blouin. Ce qui limite les pertes et donc le surcoût par rapport au produit brut.
Premiers produits concernés, les terrines charcutières, mais aussi les desserts. Rares sont en effet les restaurants à employer leur propre pâtissier. Et les desserts nécessitent des oeufs, ultra-sensibles sur le plan sanitaire.
Mais l'agroalimentaire développe surtout sa gamme de produits semi-finis. "On libère le cuisinier des tâches les moins valorisantes comme l'épluchage, mais le cuisinier garde la touche finale", explique Pascal Bredeloux, patron de Bonduelle Foodservice, filiale restauration du groupe agroalimentaire.
Davigel, branche restauration professionnelle de Nestlé, propose des courgettes coupées en longues tranches fines, façon tagliatelles, que les cuisiniers n'ont "plus de temps" ou "plus de personnel" pour préparer et dont la qualité est la même tout au long de l'année.
"Il y a 15 ans, un restaurateur qui ne prenait pas un poisson entier à Rungis, c'était un Mickey. Aujourd'hui à Rungis, il y a dix ateliers de découpe des filets", souligne Thibault Leclerc, patron du Bottin Gourmand. Et ces filets, au calibre identique, vont cuire sans surveillance dans un four programmé par le cuisinier à la minute et au degré près.
L'arrivée de la technique dans les cuisines est "inéluctable" et, pour le client, "ce n'est pas une mauvaise nouvelle", assure M. Leclerc.
Les produits de l'agroalimentaire sont également utilisés pour pallier le manque de personnel dans un secteur qui peine à recruter, disent les uns. Ou pour limiter le personnel alors que les avancées sociales et salariales depuis 2004 ont renchéri le coût de la main d'oeuvre, avancent les autres.
Avec le label de Maître-restaurateur, le gouvernement tente bien de distinguer ceux qui cuisinent vraiment. Ne peuvent y prétendre que les indépendants qui travaillent des produits frais, sans recourir à des plats préparés, et renouvellent leur carte.
Actuellement, ils sont 300. Le gouvernement en espère 3.000 d'ici mi-2012 sur 80.000 restaurants en France.
Ce label ne fait que reprendre "ce que le client pense trouver dans tous les restaurants traditionnels", note Claude Izard, président de l'association Cuisineries gourmandes, qui défend la cuisine traditionnelle. "Mais ça, le consommateur ne le sait pas".