par Christoph Steitz
FRANCFORT (Reuters) - Le géant allemand des services aux collectivités E.ON (DE:EONGn) a déprécié la valeur de ses centrales électriques et de ses actifs pétroliers et gaziers à hauteur de 8,3 milliards d'euros, soit l'équivalent de près de la moitié de sa capitalisation, l'amenant à publier mercredi la plus forte perte nette trimestrielle de son histoire.
Cette provision atteste des difficultés rencontrées par ces activités avant leur scission prévue l'an prochain. Les compagnies d'électricité allemandes ploient sous l'effet de la concurrence des énergies renouvelables, d'une chute des prix de gros de l'électricité et de la décision de l'Allemagne de renoncer à l'énergie nucléaire.
Face à cette situation, E.ON avait annoncé l'an passé son intention de scinder en 2016 son activité de négoce énergétique, ses actifs pétroliers et gaziers et la plus grande partie de son segment production d'électricité et de les regrouper au sein d'une nouvelle entité baptisée Uniper.
En raison de la pression des législateurs, l'électricien a en revanche renoncé en septembre à placer dans Uniper ses activités nucléaires, ce qui lui aurait permis de transférer également les 16,6 milliards d'euros de provisions passées au titre du démantèlement de ses centrales.
Le groupe de services aux collectivités entend ainsi se recentrer sur les renouvelables, les réseaux et les services. Il est à ce jour le seul en Europe à avoir pris une décision aussi radicale.
CAPITALISATION RÉDUITE DE PLUS D'UN TIERS
"Les dépréciations massives du groupe comptabilisés durant ce trimestre (...) confirment manifestement un changement énorme dans les hypothèses à moyen et long termes", dit Xavier Caroen, analyste de Bryan Garnier, qui reste "neutre" sur le titre. "Nous restons prudents et continuons de penser qu'il est prématuré à ce stade de jouer la 'phase de reprise' sur E.ON".
Néanmoins, l'action E.ON gagnait 4,4% à 9,58 euros en début d'après-midi en Bourse de Francfort, après ses pertes de la veille, alors que l'indice de référence Dax prenait 1,4% dans le même temps. Certains traders espèrent que le pire est passé pour une société qui a par ailleurs publié un bénéfice supérieur au consensus, en ne tenant pas compte des dépréciations.
Le groupe a vu sa capitalisation boursière fondre de plus d'un tiers depuis l'annonce du projet de scission alors que l'indice sectoriel européen des "utilities" n'a reculé que de 4,5% sur cette période.
Le rapport de 4,9 entre sa valeur d'entreprise et son excédent brut d'exploitation (EBE, Ebitda) est inférieur de plus de 20% à la moyenne du secteur.
"Il s'agit de savoir si une scission à moins de 10 euros vaut la peine", a dit à Reuters une source proche du dossier. "La perte nette massive montre qu'il n'y a guère de motif d'être optimiste".
Cette perte nette était de 7,2 milliards d'euros au troisième trimestre, la plus élevée depuis la création d'E.ON par la fusion de Veba et de Viag en 2000. Sur neuf mois, la perte se monte à 6,1 milliards d'euros.
(Bertrand Boucey et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Véronique Tison)