Le Portugal, sous assistance financière, a réussi mercredi une émission de dette, un gage de confiance de la part des investisseurs, au moment où la politique d'austérité du gouvernement est soumise à une contestation sans précédent.
Le Portugal a ainsi emprunté deux milliards d'euros, soit 250 millions de plus que le montant prévu, et des taux en forte baisse.
De plus, il est parvenu pour la deuxième fois depuis qu'il a obtenu en mai 2011 un prêt international de 78 milliards d'euros, à placer un emprunt assorti d'une maturité de 18 mois qui viendra donc à échéance après septembre 2013, la date prévue par le gouvernement pour revenir sur les marchés de la dette à long terme.
Ce regain de confiance des investisseurs fait suite à une décision de la troïka (UE-FMI-BCE) représentant les créanciers du Portugal de lui accorder un délai supplémentaire pour respecter ses engagements de réductions des déficits.
A l'issue, la semaine dernière, de son dernier examen des mesures mises en oeuvre en contrepartie du plan de sauvetage, la troïka a en effet accepté de reculer d'un an -2014 au lieu de 2013- le retour du Portugal dans les limites de déficit public -3% maximum- fixées par la Commission européenne.
Mais le paradoxe de la situation tient au fait que le gouvernent de centre-droit, s'il semble avoir réussi à rassurer ses créanciers, a, au contraire, suscité l'inquiétude, voire même la colère, des Portugais.
L'émission de mercredi "a été un succès et démontre que les investisseurs n'ont pas été affectés par la situation politique au Portugal", a noté l'analyste Filipe Silva de la banque Carregosa, dans une note envoyée à l'AFP.
Avant d'obtenir un coup de pouce de ses bailleurs de fonds le Premier ministre Pedro Passos Coelho avait en effet annoncé un renfoncement de l'austérité l'année prochaine avec en particulier une augmentation de 7% des cotisations salariales, ce qui équivaut à la perte d'un mois de salaire environ.
Les réactions ne se sont pas fait attendre et ont culminé samedi dernier avec des manifestations monstres à Lisbonne et dans une trentaine de villes du pays qui ont rassemblées des centaines de milliers de personnes, les organisateurs évoquant même le chiffre d'un million. Le principal syndicat, la CGTP, a prévu une nouvelle journée de mobilisation à Lisbonne le 29 septembre prochain.
Ce mouvement, d'une ampleur exceptionnelle depuis le retour de la démocratie au Portugal en 1974, a été précédé de critiques non seulement de l'opposition mais aussi des hommes d'affaires et du patronat qui tous ont demandé une révision des mesures.
"Pedro Passos Coelho a réussi a faire l'unanimité des Portugais contre le gouvernement", a commenté dans un éditorial l'influent quotidien économique, Diario Economico. "Il n'a qu'une solution pour sortir de cette crise : reculer", a-t-il ajouté.
Au sein même de la coalition au pouvoir de vives tensions sont apparues et le ministre des Affaires étrangères, Paulo Portas, s'est ouvertement déclaré opposé aux nouvelles mesures et demandé qu'elles soient renégociées avec les partenaires sociaux.
Silencieux depuis le début de la grogne, M. Passos Coelho devait rencontrer les partenaires sociaux mercredi dans la journée avant de réunir son parti dans la soirée.
Même le président portugais, Anibal Cavaco Silva, dont le rôle est principalement protocolaire, a témoigné d'une certaine préoccupation en convoquant pour vendredi prochain une réunion du Conseil d'Etat pour, a-t-il expliqué, "entendre ses conseilleurs" sur la situation.
Les médias portugais n'ont pas manqué d'élaborer des scénarios catastrophe envisageant même une mise à l'écart de M. Passos Coelho ou des élections anticipées.