Le scénario retenu par le gouvernement pour sa réforme de la fiscalité du patrimoine, qui consiste en un simple allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), est un "moindre mal" pour les économistes, et fait grincer des dents à gauche, où l'on parle de "bricolage".
Après avoir annoncé la suppression concomitante du bouclier fiscal, décrié pour son injustice, et de l'ISF, le chef de l'Etat a finalement tranché pour une réforme a minima. L'ISF sera aménagé, avec un seuil d'entrée relevé à 1,3 million d'euros de patrimoine et des taux d'imposition abaissés.
"La montagne a accouché d'une souris", résume Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes. Pour lui, le scénario annoncé ne mérite même pas le nom de "réforme fiscale": c'est un simple "aménagement, comme il peut y en avoir souvent". "Ce que je trouve ridicule, c'est qu'on y ait passé autant de temps", déplore l'économiste.
"C'est une bonne mesurette", reconnaît-il toutefois, estimant qu'il était indispensable de baisser des taux d'imposition devenu bien trop élevés.
Même constat pour Michel Taly, avocat fiscaliste: "c'est toujours mieux d'avoir un impôt avec des taux réduits, qui permet de se passer de bouclier ou de plafonnement". "Le futur ISF sera amélioré mais il restera un impôt un peu bizarre, avec le maintien de tout un tas d'exonérations", comme les oeuvres d'art ou les biens professionnels, estime-t-il.
Pour Christian Saint-Etienne, professeur à Dauphine, le gouvernement a choisi le "moindre mal", en écartant un second scénario, "d'une stupidité sans nom", selon lui, qui consistait à remplacer l'ISF par un impôt sur l'évolution de la valeur du patrimoine.
"C'est une étape significative qui conduit à un impôt un peu plus rationnel qu'avant", estime-t-il.
Les économistes s'accordent à dire que le gouvernement n'avait de toute façon pas d'autre choix qu'une réforme "light": pour satisfaire les parlementaires de la majorité, opposés à une réforme plus fondamentale, et par manque de temps, à un an de la prochaine présidentielle.
"On est frustrés, c'est dommage de faire une réforme un peu précipitée, qui ne modifie pas l'assiette de l'ISF", juge Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts (Snui).
"C'est une réforme très politique qui vise à se débarrasser du bouclier fiscal, devenu un boulet, et à compenser le manque à gagner global en donnant l'impression qu'on ne va pas taxer les classes moyennes", ajoute-t-il.
Alors qu'il avait dans un premier temps évoqué la taxation de l'assurance-vie des plus riches pour financer cette réforme, le gouvernement a finalement préféré taxer plus lourdement les successions et donations et durcir la fiscalité pour les expatriés.
Dans l'arène politique, la réforme satisfait globalement les parlementaires de la majorité. "On simplifie, on n'augmente pas les déficits, on ne fait pas payer les classes moyennes, on va dans le sens de la justice fiscale et on évite des prélèvements qui accélèrent les exils fiscaux", égrène le député UMP Pierre Méhaignerie (centriste).
Dans l'opposition au contraire, les critiques vont bon train. Le président PS de la Commission des finances de l'Assemblée, Jérôme Cahuzac, a qualifié la réforme de "bricolage", tout en saluant l'abaissement des taux d'ISF et la suppression du bouclier fiscal.
Le maire socialiste de Paris Bertrand Delanoë a critiqué une réforme visant "à alléger fortement l'impôt des Français les plus riches".
Quant à Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche, il a dénoncé "un bricolage fiscal permanent qui fait de l'impôt quelque chose d'incompréhensible et d'injuste".