Les avions de combat Rafale et Eurofighter s'affrontent vendredi en un duel sans précédent entre Européens pour équiper l'armée indienne, un contrat crucial de plus de 8 milliards d'euros.
Les deux rivaux doivent présenter vendredi leurs offres commerciales au ministère de la Défense, répondant à un appel d'offres pour 126 appareils, dont 108 seront montés en Inde.
Le contrat, le plus important pour des avions de combat depuis les années 90, est évalué à 12 milliards de dollars, soit 8,5 milliards d'euros. Il est d'autant plus alléchant que la commande pourrait monter ultérieurement jusqu'à 180 appareils.
C'est la première fois que le Rafale du français Dassault et l'Eurofighter, construit par les Britanniques de BAE Systems, les Italiens de Finmeccanica, les Allemands et les Espagnols au sein du groupe d'aéronautique et de défense EADS, se retrouvent face-à-face sur un marché à l'exportation.
A la surprise générale, leurs rivaux américains Boeing et Lockheed Martin, russes MiG et suédois Saab Gripen, ont été éliminés au tour précédent en avril.
Pour le Rafale, qui n'a pas encore décroché de commandes à l'étranger, comme pour l'Eurofighter, les prochains contrats sont vitaux pour maintenir leur filière industrielle.
Avec 180 appareils déjà commandés par la France, "nous sommes assurés de maintenir ouverte la chaîne d'assemblage du Rafale jusqu'en 2019 au moins", a déclaré Charles Edelstenne, PDG de Dassault Aviation.
"Mais le prochain programme d'avion de combat ne verra pas le jour avant 25 ou 30 ans. Donc les programmes de drones et l'export nous permettront de conserver nos compétences stratégiques en France".
Après des réductions de commande annoncées en octobre par l'Allemagne, "EADS a besoin de commandes à l'exportation pour garantir la production au delà de 2017", a déclaré un porte-parole du groupe.
Les deux appareils peuvent faire valoir leur expérience au combat en Afghanistan et surtout en Libye.
Ce sont les Rafale, conçus pour remplir toutes les missions, qui ont ouvert les hostilités contre les forces du colonel Kadhafi le 19 mars dernier. Au total, ils ont mené 2.000 sorties pendant le conflit, d'après l'état-major français des armées.
Les Eurofighter, conçus à l'origine comme des chasseurs, ont mené en Libye leurs premières missions d'attaque au sol, en tandem avec les Tornado de l'armée britannique.
Aussi impressionnants que soient les faits d'armes, c'est l'offre commerciale, qui comprend notamment le prix à l'achat ainsi que le coût de maintenance sur une durée de vie de 40 ans, qui pourrait être déterminante.
A cet égard, le Rafale devrait avoir l'avantage. L'Eurofighter a vu ses coûts déraper de 75% depuis le lancement du programme, d'après le National Audit OFfice (la cour des comptes britannique) et est plus cher que son concurrent.
En Inde, le candidat le moins-disant remporte généralement le contrat.
"La décision peut être prise en un jour si l'écart entre les deux offres est important mais cela peut prendre des mois si l'écart est minime", a commenté un membre du programme Rafale. "Je pense que l'écart sera important et qu'il sera en notre faveur", a-t-il dit.
L'Inde, même si elle s'équipait principalement en Union soviétique, a toujours tenu à conserver d'autres fournisseurs. Elle est cliente de Dassault depuis les années 50. En juillet dernier, elle a signé avec Dassault et son partenaire le groupe d'aéronautique Thales un contrat de modernisation de 51 Mirage 2000.
L'Inde est la premier importateurs d'armes parmi les pays émergents. La firme de consultants KPMG estime que New Delhi passera des commandes militaires d'une valeur de 112 milliards de dollars (80 milliards d'euros) d'ici 2016.
Quelle que soit l'issue de ce duel, EADS ne sera pas perdant: il détient 46,32% des parts de Dassault aviation.