Laurent Spanghero et son offre de reprise de l'entreprise de Castelnaudary qu'il a lui-même fondée représentaient mardi la seule chance de survie pour la société menacée par le scandale de la viande de cheval, après la mise à l'écart par le tribunal de commerce du projet concurrent présenté par les salariés.
Le tribunal de commerce de Carcassonne a annoncé qu'il rendrait sa décision vendredi.
Elle sera de toute façon douloureuse pour les 230 salariés: soit l'offre de Laurent Spanghero et de ses associés, le promoteur Jacques Blanc et la société de capital-risque Investeam, est jugée suffisamment solide et 100 salariés seront repris, soit le tribunal confirme la liquidation prévue depuis avril et tout le monde sera licencié.
Le projet de Laurent Spanghero, qui avait fondé l'entreprise de viandes et de plats cuisinés avec son frère en 1970 avant de la céder en 2009 à la coopérative basque Lur Berri, restait en effet seul en lice après l'audience de mardi devant le tribunal de commerce, d'après le procureur Antoine Leroy et les parties.
L'autre offre, celle de Delpeyrat (foie gras et plats cuisinés) et de la société Deveille (transformation de viandes) soutenue par des salariés, dont des élus au comité d'entreprise, n'a pas été jugée "recevable" car elle était "incomplète", faute d'avoir obtenu un abandon de créances des banques, a reconnu Jean Aparicio (FO),favorable à ce projet.
Le poids de la dette
Delpeyrat et Deveille demandaient un abandon de créances dépassant la moitié d'une dette de 10 millions d'euros relative au financement en crédit-bail de la construction de l'usine. Le pool des créanciers (Oseo, Société Générale et CM-CIC) l'a refusé, mais a accepté la proposition de Laurent Spanghero "d'un rééchelonnement portant la durée de remboursement de 10 à 22 ans", a indiqué ce dernier après l'audience.
C'est l'endettement qui avait déjà conduit la famille Spanghero à céder l'entreprise pour un euro symbolique à Lur Berri "afin de sauver les 450 emplois de l'époque", a rappelé l'ancien rugbyman aujourd'hui âgé de 74 ans.
Lur Berri a contribué à redresser les comptes tout en réduisant les effectifs, mais c'est sous sa direction qu'a éclaté en janvier le scandale de l'introduction frauduleuse de viande de cheval, vendue comme du boeuf, plus cher, dans des plats cuisinés.
L'enquête judiciaire sur les responsabilités pénales de cette affaire n'est pas close, mais l'entreprise y a perdu ses agréments sanitaires pendant quelques jours et n'a pas réussi à regagner la confiance de ses clients depuis.
Ces derniers mois, la charge de travail n'occupait plus que 80 salariés et le dernier contrat, celui de Lidl, a expiré le 30 juin.
"Il n'y a plus de travail que pour trois ou quatre personnes", expliquait mardi Sabine Da Silva, du collectif de défense des salariés, présente devant le tribunal avec une vingtaine de Spanghero.
Rebondir
Les salariés sont "très inquiets", mais une forme de soulagement transparaissait à l'annonce d'une décision sous trois jours, beaucoup se disant "minés" par les semaines d'incertitude.
L'angoisse est d'autant plus grande que les syndicats (FO, CFE-CGC et CFDT) réclament en vain une amélioration du plan social de Lur Berri. A coup de blocages de ses sites au Pays basque et dans les Landes, ils lui ont réclamé au moins 1.000 euros par année de présence au lieu, disent-ils, de 2.000 euros pour tous.
Jean Aparicio (FO) et Marie Favié (élue CGC) soutenaient le projet Delpeyrat mais ont assuré mardi qu'ils "souhaitaient" de tout coeur que le projet (subsistant) réussisse".
Laurent Spanghero s'est déclaré convaincu que l'entreprise ne mourrait pas" et a estimé en sortant du tribunal que "c'était le début du retournement et d'un rebondissement pour l'entreprise".
Didier Jug, directeur général d'Investeam, a assuré que les trois partenaires amèneraient chacun 500.000 euros de fonds propres et la région Languedoc-Roussillon 620.000 euros (pour 100 emplois sauvés). Ils comptent mobiliser au total 5,5 millions d'euros de ressources, en dehors du rééchelonnement de la dette.
Ils misent sur le "développement homogène" des deux activités viandes et plats cuisinés dans la nouvelle structure. Elle devrait s'intituler "Saveurs occitanes" rompant ainsi avec un nom désormais discrédité, a indiqué le repreneur, qui prévoit l'embauche de trois nouveaux directeurs.