Quelques heures avant de tirer sa révérence, le ministre sortant de l'Economie, François Baroin, a envisagé ouvertement l'hypothèse d'une sortie de la Grèce de la zone euro, évaluant son coût à 50 milliards "net" pour l'Etat français, analyse partagée par les économistes.
En l'absence d'un "gouvernement stable" à Athènes, la "question deviendra certainement plus sensible", a-t-il prévenu sur Europe 1, faisant de cet enjeu l'un des dossiers brûlants qu'il laissera à son successeur socialiste.
Dévastatrices pour les deux partis historiques grecs, les législatives du 6 mai ont laissé le pays sans gouvernement, ravivant les craintes des dirigeants européens et des marchés financiers de voir Athènes, déjà au bord du gouffre, ne pas respecter ses engagements budgétaires.
Le président grec, Carolos Papoulias, a échoué mardi à composer un gouvernement de technocrates ce qui ouvre la voie à de nouvelles législatives. La nouvelle a entraîné une rechute immédiate des Bourses européennes, Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), évoquant l'hypothèse d'une "sortie ordonnée" de la Grèce de l'union monétaire.
Au coût pour les finances publiques françaises d'une sortie de la Grèce, a relevé pour sa part François Baroin, s'ajouterait la dépréciation des "titres que détiennent les banques ou les assurances dans leurs portefeuilles".
Ce risque, selon lui, serait "tout à fait absorbable" par les intéressés mais il en irait tout autrement selon lui de la menace d'une "contagion exceptionnelle" de la crise grecque, dont la faillite sèmerait "le doute et la défiance dans l'esprit des investisseurs".
A demi-mot, son homologue allemand, Wolfgang Schaüble, avait, lui aussi, admis en fin de semaine dernière la possibilité d'un défaut grec.
Sacrifices
L'un comme l'autre ont affirmé leur volonté de conserver la Grèce dans le concert des pays de la zone euro mais prévenu que cela supposait le respect par Athènes de ses engagements budgétaires. Tous deux ont également rappelé les sacrifices déjà consentis par les créanciers de la Grèce. A eux seuls, les investisseurs privés ont renoncé à une centaine de milliards d'euros de créances.
Eric Dor, directeur de recherche à l'école de management de l'Université catholique de Lille, a fait les comptes. Le coût direct d'un défaut total de la Grèce atteindrait selon lui 66 milliards d'euros pour l'Etat français et 19 milliards pour les banques françaises. Plus vraisemblable, un défaut partiel se chiffrerait tout de même en dizaines de milliards d'euros.
Quant aux répliques de ce séisme économique, elles seraient d'une ampleur "difficile à évaluer en raison des interactions complexes" entre les acteurs concernés.
Auteur de "Quand la zone euro explosera..." (Ed. du Moment), Marc Touati redoute, lui aussi, un "cercle vicieux qui pourrait tourner au cauchemar".
"L'impact indirect d'un défaut grec serait beaucoup plus douloureux que les conséquences directes immédiates", souligne-t-il. "Un défaut grec augmenterait la défiance des investisseurs à l'égard de la France qui verrait ses finances publiques plombées par ces dizaines de milliards de dettes supplémentaires", redoute l'économiste d'Assya Compagnie financière.
En conséquence, "les agences de notation dégraderaient fortement la note française, sans doute de deux à trois crans, les taux d'intérêt de la dette grimperaient au-delà de 4% avec de lourdes conséquences aussi sur le taux de chômage et, de nouveau, sur les déficits et la dette".
"Sans parler de l'effet domino d'un défaut de la Grèce sur d'autres pays, à commencer par le Portugal et l'Espagne", poursuit Marc Touati, déroulant son scénario catastrophe.
Quant à l'économiste en chef de l'assureur-crédit français Coface, Yves Zlotowski, il redoute tout particulièrement que le secteur privé grec ne cherche dans ce cas à "instrumentaliser" un défaut du pays pour ne pas rembourser ses propres dettes contractées à l'étranger.