Les économistes jugent crédible l'hypothèse de croissance de 0,5% de François Hollande en 2012 malgré les prévisions moroses de la Banque de France au premier et deuxième trimestre mais ils sont sévères sur le chiffre de 1,7% retenu par le président élu pour l'an prochain.
La situation en Grèce pourrait, si elle provoque à nouveau de fortes turbulences sur la zone euro, venir changer la donne dès cette année, mettent-ils néanmoins en garde.
Dans une première estimation publiée jeudi, la Banque de France (BdF) prévoit une croissance nulle de l'économie française au deuxième trimestre 2012 tout comme elle l'avait fait pour les trois premiers mois de l'année.
L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) avait de son côté indiqué en mars prévoir une croissance nulle au premier trimestre, suivie d'une timide reprise de 0,2% au deuxième. La croissance avait été de 0,2% au quatrième trimestre et de 1,7% sur l'ensemble de 2011, selon l'Insee.
Le président élu François Hollande a fondé son programme économique, et notamment de redressement budgétaire, sur une augmentation de l'activité de 0,5% cette année, suivie de 1,7% l'an prochain puis de 2% en 2014 et de 2% à 2,5% les années suivantes jusque 2017.
Le taux de 0,5% pour 2012 "est une prévision de croissance annuelle qui reste crédible aujourd'hui", a commenté Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis.
"On a bien fini l'année 2011 et, sauf cataclysme qu'on ne maîtrise pas, lié notamment à la situation actuelle en Grèce, on devrait avoir un léger redémarrage de la croissance mondiale donc des échanges à partir de l'été", résume-t-il.
"Ceci devrait regarnir un peu les carnets de commande de l'industrie", dit-il, en attirant l'attention sur les chiffres de la production industrielle diffusés jeudi par l'Insee.
- crise de la dette: nouveaux rebondissements attendus -
Celle-ci a reculé de 0,9% sur un mois en mars et de 0,1% sur l'ensemble du premier trimestre par rapport aux trois derniers mois de 2011. Mais dans la seule industrie manufacturière, qui exclut l'activité minière et la construction, la situation semble vouloir s'améliorer avec un rebond de 1,4% en mars après une baisse de 0,9% en février.
"Je pense qu'on va avoir une croissance 2012 autour de 0,5%", estime Michel Martinez, économiste en chef pour la France de Société générale.
"On a une série de moteurs, tous en territoire positif mais avec de très faibles poussées", note-t-il, citant un "investissement immobilier qui continue de croître à court terme" et "le pouvoir d'achat des ménages qui n'est pas en baisse comme dans certains pays".
Il craint en revanche "de nouveaux rebondissement du côté de la crise de la dette".
"Ma principale critique sur les prévisions de croissance de M. Hollande porte sur 2013: je ne crois pas un seul instant qu'on ait 1,7%", lance M. Martinez, qui prévoit un petit 0,7%.
"Cela signifie que le gouvernement va probablement devoir réviser à la baisse ses prévisions de croissance" et que s'il veut tenir l'objectif d'un déficit public réduit à 3% du Produit intérieur brut cette année, "il faudra aller trouver des économies de dépenses et des hausses d'impôts supplémentaires".
"On suivra donc avec intérêt ce que va dire la Commission européenne demain lorsqu'elle délivrera ses prévisions économiques", poursuit-il.
M. Caffet, sceptique lui aussi sur le pari de 1,7% d'expansion en 2013, souligne que c'est justement l'an prochain que "devrait commencer l'essentiel de la consolidation budgétaire avec une hausse très forte prévue des prélèvements obligatoires".
Des recettes qu'il faudra maintenant aller chercher, faute de mieux, dans "des niches fiscales dont l'impact économique est de plus en plus important, comme les baisses de charges sur les bas salaires, ce qui pourrait avoir un effet très prononcé sur l'emploi peu qualifié", redoute M. Martinez.