Jens Weidmann, président de la Bundesbank, exclut que les taux d'intérêt directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) restent bas "pendant des années" en raison notamment des risques pour la stabilité financière, dans une interview lundi.
"Je ne m'attends pas à ce que les taux soient bas pendant des années", a déclaré au quotidien allemand Handelsblatt M. Weidmann, qui est également membre du conseil des gouverneurs de la BCE.
Selon lui, "les impulsions de la politique monétaire ultra-accommodante sur la conjoncture diminuent avec le temps et les risques pour la stabilité financière augmentent".
En mai, l'institution monétaire européenne avait abaissé son principal taux directeur à 0,50%, soit le plus bas niveau de son histoire, et l'a laissé inchangé depuis.
"Les banques centrales ne peuvent pas résoudre la crise, car les problèmes qui la sous-tendent ne sont pas liés à la politique monétaire. (...) Les débats montrent que la crise n'est pas finie et il y a encore beaucoup à faire pour la surmonter", a poursuivi M. Weidmann.
"Les problèmes structurels se sont accumulés pendant des années dans les pays en crise. On ne peut pas les régler en quelques trimestres, on a besoin de plusieurs années. Faire miroiter une fin rapide de la crise est objectivement faux et n'encourage pas à faire des réformes", a-t-il ajouté.
Comme par le passé, le patron de la Bundesbank a une fois de plus souligné que les annonces de la BCE sur l'orientation de sa politique monétaire ne constituaient pas une "promesse" et reposaient sur l'évaluation actuelle de l'évolution économique.
"Lorsque de nouvelles données indiqueront un changement de perspective pour la stabilité des prix, nous adapterons également notre orientation de politique monétaire", a assuré M. Weidmann.
En juillet dernier, le président de BCE Mario Draghi avait créé la surprise en déclarant que sa politique monétaire resterait accommodante "aussi longtemps que nécessaire", s'engageant à maintenir ses taux à leur niveau bas actuel voire à les baisser encore. Par le passé, l'institution monétaire de Francfort avait toujours refusé de s'avancer concernant ses décisions futures.
Par ailleurs, s'exprimant lors d'une conférence d'ambassadeurs au ministère des Affaires étrangères à Berlin, Jens Weidmann a de nouveau fait part de ses critiques sur l'achat de dettes publiques par la BCE.
"En achetant en particulier les obligations d'Etats dont le rendement est mauvais, les banques centrales de la zone euro redistribue les risques d'une politique budgétaire non solide sur tous les pays de la zone euro", a-t-il déclaré, jugeant que cela réduisait la responsabilité de chacun.
Depuis l'été dernier, le président de la BCE, Mario Draghi, a largement contribué à apaiser les marchés financiers en se disant prêt à lancer un programme de rachat, sans limite, mais sous conditions, de dettes publiques d'Etats européens en difficulté. Le président de la Bundesbank, défenseur de l'orthodoxie monétaire, s'est toujours opposé à ce programme, qui pour l'heure n'a encore jamais été utilisé.
"Seuls les parlements et les gouvernements sont légitimes démocratiquement" pour procéder à de tels rachats, que M. Weidmann associe à des mesures de politique fiscale et non de politique monétaire.
"La politique monétaire a déjà considérablement contribué à empêcher une nouvelle escalade de la crise. Cependant, elle s'est aventurée loin dans des territoires inconnus et aussi dangereux", a estimé Jens Weidmann.