KABOUL (Reuters) - Les taliban ont revendiqué jeudi le contrôle de deux des plus grandes villes d'Afghanistan, selon des rapport des médias, alors que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont annoncé qu'ils enverraient des milliers de soldats pour aider à l'évacuation de leurs ambassades.
La prise de Kandahar et de Herat, les deuxième et troisième plus grandes villes du pays, seraient les plus grandes victoires des taliban depuis le début de leur offensive en mai.
La chute de grandes villes est un signe que les Afghans accueillent favorablement les taliban, a déclaré un porte-parole du groupe, selon la chaîne de télévision Al Jazeera.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken et le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin, se sont entretenus jeudi avec le président afghan, Ashraf Ghani, et lui ont assuré que les Etats-Unis "restent investis dans la sécurité et la stabilité de l'Afghanistan", a rapporté le Département d'Etat.
Ils ont aussi déclaré que les Etats-Unis apporteraient leur soutien à une solution politique du conflit.
En réponse à l'avancée des taliban, le Pentagone a annoncé qu'il enverrait près de 3.000 soldats supplémentaires dans les 48 heures afin d'évacuer l'ambassade des Etats-Unis en Afghanistan.
La Grande-Bretagne a déclaré qu'elle déploierait environ 600 soldats pour aider ses ressortissants et ses traducteurs à sortir du pays.
Face à l'escalade des affrontements, les Etats-Unis et l'Allemagne ont exhorté leurs ressortissants à quitter l'Afghanistan au plus vite, moins de trois semaines avant la fin programmée de l'intervention militaire américaine, le 31 août, qui marquera aussi le retrait des troupes de l'Otan.
A l'issue de nouveaux pourparlers à Doha, au Qatar, destinés à tenter de sortir de l'impasse entre les négociateurs du gouvernement afghan et des taliban, les émissaires internationaux ont appelé à un processus de paix accéléré et à un arrêt immédiat des attaques menées contre les villes.
COMPARAISONS AVEC SAIGON
La rapidité et la violence de l'offensive des taliban ont suscité des récriminations chez de nombreux Afghans à propos de la décision du président Joe Biden de retirer les troupes américaines.
Le leader républicain du Sénat américain, Mitch McConnell, a déclaré que la stratégie de retrait menait les Etats-Unis "vers un résultat encore pire que la chute de Saigon en 1975".
"Le président Biden est en train de découvrir que le moyen le plus rapide de mettre fin à une guerre est de la perdre", a déclaré Mitch McConnell, l'exhortant plutôt à s'engager à fournir un soutien accru aux forces afghanes.
"Sans cela, Al-Qaïda et les taliban pourraient célébrer le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre en brûlant notre ambassade à Kaboul."
VIOLENCE CONTRE DIPLOMATIE
Après un accord conclu en février 2020 par l'administration de l'ancien président américain Donald Trump, les taliban s'étaient engagés à ne pas attaquer les troupes américaines lors de leur retrait d'Afghanistan. Ils avaient aussi assuré qu'ils s'engageraient dans un processus de paix
Compte tenu de la rapidité de l'avancée des taliban, les perspectives de pression diplomatique pour affecter la situation sur le terrain semblaient limitées, bien que le porte-parole des taliban a déclaré à Al Jazeera : "Nous ne fermerons pas la porte à la voie politique".
Interrogé sur un accord de partage du pouvoir qu'aurait effectuée le gouvernement de Kaboul en échange de l'arrêt des violences, selon la chaîne de télévision Al Jazeera, un porte-parole des taliban a dit ne pas être informé d'une telle offre mais a rejeté le principe d'un partage du pouvoir.
"Nous ne voulons pas être un partenaire de l'administration de Kaboul. Nous ne travaillerons pas une seule journée avec eux", a dit Zabihullah Mujahid.
Les émissaires internationaux présents à Doha, qui ont rencontré des négociateurs du gouvernement afghan et des représentants des taliban, ont réaffirmé que les capitales étrangères ne reconnaîtraient aucun gouvernement en Afghanistan "imposé par l'usage de la force militaire".
Le Conseil de sécurité de l'Onu discutait d'un projet de déclaration qui condamnerait les attaques des taliban, menacerait de sanctions et affirmerait la non-reconnaissance d'un Emirat islamique d'Afghanistan, ont indiqué des diplomates jeudi.
(Reportage Rédaction de Kaboul avec Idrees Ali, Jonathan Landay, Patricia Zengerle, Humeyra Pamuk, Arshad Mohammed, Simon Lewis et Ghaida Ghantous, rédigé par John Stonestreet, Cynthia Osterman et Jane Wardell; version française Camille Raynaud)