RÉGION DE KHARKIV, Ukraine (Reuters) - Alors qu'un missile ukrainien fond sur un système radar russe monté sur un véhicule, les soldats dont le drone a repéré la cible, installés dans une camionnette de contrôle, observent la scène en retenant leur souffle.
"Il reste environ une minute", lance le pilote du drone, Soliara, 46 ans, avant que le silence ne retombe dans l'habitacle rempli d'écrans et de câbles.
L'équipage, qui fait partie de la 15e brigade d'artillerie séparée de reconnaissance, utilise le "Shark", un drone de fabrication ukrainienne doté d'une caméra de haute technologie.
À cette occasion, leur drone a été temporairement neutralisé lorsque des systèmes de brouillage électronique russes ont interrompu la transmission vidéo.
Lorsque l'image réapparaît, environ une minute plus tard, l'équipe découvre un cratère fumant à une cinquantaine de mètres de sa cible, tandis que le véhicule russe s'éloigne à toute vitesse pour se mettre à l'abri.
L'opération, filmée par Reuters dans le nord-ouest de la région de Kharkiv, n'est qu'une petite partie d'un jeu du chat et de la souris qui se déroule le long des quelque 1.000 km de la ligne de front.
La Russie dispose elle aussi d'une vaste flotte de drones, ainsi que de systèmes de brouillage sophistiqués capables de perturber le signal des drones et de faire dévier les munitions guidées.
RAPPORT QUALITÉ-PRIX
"LES YEUX DE L'ARTILLERIE"
La 15e brigade d'artillerie séparée de reconnaissance utilise toute une série de drones construits localement ou fournis par l'Occident, pour localiser des cibles et pour les frapper directement.
Certains des drones occidentaux peuvent voler plus loin, mais l'équipage souligne que les drones ukrainiens sont généralement plus faciles à réparer en cas de dommages, car ils peuvent être rapidement renvoyés au fabricant.
"Le Shark est comme l'iPhone des drones de ce type", dit Soliara. "Il est très simple à entretenir et à utiliser. Depuis que nous l'avons, nous n'avons pas perdu un seul appareil."
Le commandant de la 15e brigade, Oleksandr Popov, insiste sur le rôle de plus en plus important joué par les drones sur le champ de bataille.
"Un drone comme le Shark est très rentable, car nous pouvons détruire grâce à lui un système d'armement de haute technologie valant des millions de dollars", souligne-t-il. Le coût d'un appareil de ce type est estimé à environ 50.000 dollars.
Les moyens de visibilité aérienne à longue distance jouent un rôle crucial dans la guerre entre l'Ukraine et la Russie, où l'artillerie domine le champ de bataille et où des milliers d'obus sont tirés chaque jour par les deux camps.
"L'artillerie est le dieu de la guerre depuis longtemps, et la reconnaissance d'artillerie est les yeux des dieux", lance Soliara, en entendant au loin le grondement des canons.
(Reportage Max Hunder, version française Augustin Turpin, édité par Tangi Salaün)