par Andreas Rinke
BERLIN (Reuters) - La chancelière allemande Angela Merkel a prévenu lundi que les Afghans fuyant leur pays après la prise de contrôle des taliban pourraient faire route vers l'Europe, pour donner ainsi lieu à une nouvelle crise migratoire d'ampleur après celle de 2015, s'ils ne reçoivent pas suffisamment d'aide humanitaire.
S'exprimant devant les journalistes après une réunion ministérielle destinée à mettre sur pied les modalités d'évacuation de milliers de personnes dont l'Allemagne a la responsabilité en Afghanistan, la dirigeante a décrit comme une issue "amère" la prise de la capitale afghane Kaboul par les insurgés taliban dimanche.
"Depuis le retrait des forces étrangères d'Afghanistan nous avons été contraints de voir les taliban reprendre le pays entier, à une vitesse époustouflante, province après province, ville après ville", a dit Angela Merkel.
"C'est un développement absolument amer. Amer, dramatique et horrible, en particulier pour le peuple afghan", a-t-elle ajouté.
Il y a six ans, au plus fort de la crise migratoire, l'Allemagne avait accueilli plus d'un million de réfugiés, pour la plupart syriens et irakiens, une décision saluée par la communauté internationale mais qui a fragilisé dans le pays le bloc conservateur d'Angela Merkel.
"Nous devons nous assurer que les nombreuses personnes étant particulièrement inquiètes ont un endroit sûr où elles peuvent rester dans des pays voisins de l'Afghanistan, même si elles n'ont pas travaillé avec les institutions allemandes", a déclaré la chancelière.
"Nous ne devons pas répéter les erreurs du passé, lorsque nous n'avons pas donné assez de fonds au Haut Commissariat de l'Onu pour les réfugiés et à d'autres programmes d'aides, et laissé les gens quitter la Jordanie et le Liban à destination de l'Europe", a-t-elle poursuivi.
"PONT AÉRIEN"
Au cours d'une réunion à huis clos avec des membres de son parti, la CDU, dont les remarques ont été relayées à Reuters par des participants, Angela Merkel a indiqué que parmi ceux nécessitant une évacuation figuraient 2.500 employés afghans, des militants des droits de l'homme, des avocats et d'autres que Berlin considère en danger s'ils restent dans le pays - au total, plus de 10.000 personnes.
Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a pour sa part déclaré aux journalistes que l'Allemagne cherchait à évacuer autant de personnes à risque qu'elle le pouvait.
Il a ajouté que les alliés de l'Otan avaient mal analysé la situation en estimant que les forces gouvernementales afghanes pourraient repousser l'assaut des taliban sans aucune aide.
"Nous voulons évacuer du pays aussi vite que possible un maximum de personnes", a dit Heiko Maas depuis l'entrée du siège du ministère allemand des Affaires étrangères.
Faisant écho à ces propos, le ministre des Finances, Olaf Scholz, lui aussi issu du Parti social-démocrate (SPD), a déclaré que "la communauté internationale doit désormais aider les pays voisins de l'Afghanistan", évoquant un "pont aérien" à mettre en place rapidement. "Un large mouvement de réfugiés va débuter sous peu", a-t-il dit.
Toutefois, dans les rangs de la CDU d'Angela Merkel, des voix divergent. Le secrétaire général du parti conservateur a déclaré que l'Allemagne ne pouvait pas résoudre la question afghane en adoptant, comme une 2015, une politique de porte ouverte aux migrants.
"Pour nous, il est clair que 2015 ne doit pas être répété", a dit Paul Ziemiak au groupe audiovisuel n-tv, alors que le vote par anticipation par voie postale s'ouvrait lundi en Allemagne en amont des élections fédérales de septembre à l'issue desquelles Angela Merkel quittera le pouvoir.
(Reportage Andreas Rinke, avec Joseph Nasr et Michael Nienaber; version française Jean Terzian, édité par Bertrand Boucey)