Le gouvernement dos au mur, sommé d'amender le projet de loi travail

Publié le 26/02/2016 14:21
La ministre du Travail Myriam El Khomri arrive à l'Hôtel Matignon à Paris, le 18 février 2016 (Photo KENZO TRIBOUILLARD. AFP)

La ministre du Travail Myriam El Khomri arrive à l'Hôtel Matignon à Paris, le 18 février 2016 (Photo KENZO TRIBOUILLARD. AFP)

Après une semaine chahutée pour le gouvernement, qui a essuyé les tirs nourris de sa majorité, des syndicats et des internautes contre le projet de réforme du droit du travail, l'exécutif est face à un défi: amender rapidement son texte, sous peine de mettre les salariés dans la rue.

L'ultimatum est fixé à jeudi. "Si avant le 3 mars, il n'y a pas de changements significatifs, nous avons expliqué à la ministre (Myriam El Khomri) que ça allait être un problème", a prévenu la CFDT.

Deux intersyndicales sont prévues ce jour-là: une le matin, hébergée par l'Unsa, pour réfléchir à des contre-propositions, l'autre l'après-midi, à la CGT, pour "discuter des contours d'une mobilisation: mots d'ordre, date, grèves, manifestations". La date du 31 mars est évoquée, mais la CGT n'exclut pas "d'accélérer le processus" si d'autres syndicats le demandent.

La CFE-CGC, qui n'a pas battu le pavé depuis la réforme des retraites en 2010, est la plus pressée. Elle tranchera dès lundi.

Le projet de loi prévoit, entre autres, des référendums d'entreprise pour valider des accords minoritaires, une clarification des critères de licenciement économique, un plafonnement des indemnités prud'homales et la primauté des accords d'entreprise en matière de temps de travail.

Fait rare, le texte, jugé trop favorable aux employeurs, est parvenu à créer une relative union syndicale contre lui.

La CFDT, qui a accompagné la plupart des réformes de François Hollande, a signé mardi - avec la CGT, la CFE-CGC, l'Unsa, la FSU, Solidaires, l'Unef, l'UNL et la Fidl - un communiqué dénonçant un "projet élaboré sans réelle concertation" et réclamant le retrait du plafonnement des indemnités prud'homales.

Mais l'union est fragile, faute de stratégie commune. Si la CGT et FO demandent le retrait pur et simple du texte, la CFDT ne réclame que des modifications.

La centrale réformiste a trois lignes rouges: le plafonnement des indemnités, le fait de restreindre au territoire national l'appréciation des difficultés économiques d'un grand groupe en cas de licenciement, et la liberté offerte aux PME de moduler unilatéralement le temps de travail de leurs salariés.

- Charge de Martine Aubry -

Mais comment satisfaire la CFDT sans perdre ses soutiens chez les employeurs ? Selon une source patronale, une fenêtre existe sur la question du barème des indemnités prud'homales. Deux évolutions seraient envisageables - rétablir un plancher et relever légèrement le plafond de 15 mois de salaire proposé par le gouvernement pour les salariés les plus anciens -, mais à condition d'abaisser le plafond pour ceux qui ont peu d'ancienneté.

Le texte a aussi froissé une partie du patronat, les artisans de l'UPA en tête, en colère contre une réforme des règles de représentativité patronale qui avantage les grandes entreprises.

La ministre du Travail Myriam El Khomri, qui a repris les consultations en catastrophe jeudi, s'est dite ouverte à des "amendements".

Dans son jeu d'équilibriste, le gouvernement doit aussi composer avec la farouche opposition d'une partie de sa majorité.

Martine Aubry, ex-ministre du Travail, a sonné la charge mercredi en cosignant une tribune incendiaire dans le Monde, avec Daniel Cohn-Bendit et plusieurs personnalités de gauche, pour qui le projet met "à bas" "toute la construction des relations sociales de notre pays".

Si des personnalités de droite sont prêtes à voter le texte, de nombreux parlementaires socialistes, pas seulement frondeurs, ont déjà menacé de s'y opposer, à commencer par le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. L'examen du projet doit commencer en avril à l'Assemblée nationale. L'exécutif n'écarte pas un recours au 49-3, pour l'adopter sans vote, en engageant la responsabilité du gouvernement.

La bataille fait aussi rage sur internet. Une pétition, lancée par des militants associatifs et syndicaux, avait recueilli vendredi, en une semaine, plus de 620.000 signatures sur le site Change.org. Un record.

La ministre du Travail a répondu aux signataires jeudi soir. "Si certaines affirmations de cette pétition sont vraies, de nombreuses autres sont fausses et beaucoup sont incomplètes", a-t-elle écrit sur le site, jugeant le débat "salutaire".

Face à la contestation numérique, qui se propage sur les réseaux sociaux, le gouvernement tente de jouer la carte de la pédagogie et a ouvert à cette fin un compte Twitter baptisé @LoiTravail.

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