Un tour-de-vis moins dur que prévu: le gouvernement a revu à la baisse son objectif d'économies pour 2018, espérant tirer profit du redémarrage de l'économie pour réduire le déficit public, dans un contexte de grogne contre les coupes budgétaires.
"20 milliards d'euros d'économies en 2018": voilà ce que promettait, début juillet, le Premier ministre Edouard Philippe, après avoir dénoncé lors de son discours de politique générale une "addiction française à la dépense publique".
Selon des sources concordantes, l'objectif retenu dans le projet de loi de finances (PLF), qui sera présenté le 27 septembre en conseil des ministres avant d'être débattu courant octobre à l'Assemblée nationale, a finalement été abaissé à "environ 16 milliards d'euros".
Cette révision "tient compte des nouveaux éléments" à la disposition du gouvernement, notamment en termes de croissance économique et de recettes fiscales, a indiqué à l'AFP l'une de ces sources. "On s'adapte à l'évolution de la situation", a-t-elle ajouté.
En plein bouclage du premier budget du quinquennat, Bercy a ainsi relevé sa prévision de croissance pour 2017, de 1,6% à 1,7%, pour s'aligner sur "le consensus des économistes", selon l'entourage du ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.
Un regain de croissance synonyme de hausse des rentrées fiscales dès cette année, et qui permet de voir venir 2018 plus sereinement.
- 'Respecter les 3%' -
Au début de l'été, l'exécutif tablait sur une baisse de 0,9 point du taux de dépense publique - c'est-à-dire l'argent déboursé par l'Etat, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales -, censé passer de 54,7% du PIB cette année à 53,8% l'an prochain.
Un objectif finalement raboté: "Nous baisserons la dépense publique de 0,7 point du PIB en 2018", a précisé le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, dans un entretien accordé lundi au Monde.
Sur BFMTV, le ministre avait déjà laissé entrevoir quelques heures plus tôt des économies moins importantes qu'annoncées. "Nous allons baisser les dépenses publiques mais nous n'allons pas le faire de manière absolue. L'important n'est pas le nombre de milliards", avait-il déclaré.
Pour François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur du site fipeco.fr, la vision à la baisse de l'objectif gouvernemental était "prévisible". "Le gouvernement avait placé la barre très haut, sans doute trop", estime-t-il.
Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe avait promis un gel en volume de la dépense publique. "Elle augmentera finalement de 0,3%, ce qui reste très ambitieux", quand la moyenne des dernières années est située entre 1% et 2%, souligne le fiscaliste.
La marge est d'autant plus étroite que Paris doit ramener son déficit public sous les 3% de PIB pour respecter les règles européennes. Le gouvernement vise même 2,7%, malgré ses promesses de baisses d'impôts massives - environ 10 milliards d'euros - et d'augmentation des dépenses dans les secteurs jugés prioritaires (Défense, Intérieur, Justice, Education...).
"Ce qui est incontournable c'est de respecter les 3%", souligne à l'AFP Michel Taly, avocat fiscaliste chez Arsène Taxand et ancien directeur de la législation fiscale à Bercy. "Que ce soit 15 ou 20 milliards, peu m'importe, dès lors que les 3% sont respectés".
- 'Un peu de lest' -
Ces quelques milliards sont pourtant une aubaine pour un gouvernement confronté à une rentrée sociale mouvementée.
Entre les coupes budgétaires (emploi, logement) et la réforme du code du travail par ordonnances, l'exécutif a attisé les foyers de contestation: routiers et fonctionnaires sont déjà appelés à faire grève, même si les syndicats avancent pour l'heure en ordre dispersé.
Mais le président Emmanuel Macron entend engager d'autres réformes en 2018 (assurance chômage, formation professionnelle) et "s'il veut faire passer ses réformes de fond, il faut peut-être qu'il lâche un peu de lest sur la gestion budgétaire", analyse Alain Trannoy, directeur de recherches à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Le budget de l'Etat n'est cependant pas à l'abri d'une autre bonne surprise, puisque la croissance française "est sur un sillage qui pourrait être à 1,9%-2%" l'an prochain, prédit-il. "Cela laisse une petite marge qui peut être mise à profit pour réduire la baisse des dépenses publiques".