Les contrôles de capitaux, on sait quand ça commence, jamais quand ça finit, disent les économistes... La Grèce aura besoin de temps pour se libérer d'un corset qui protège ses banques, mais étrangle son économie.
Depuis le 29 juin, la Grèce s'est financièrement coupée du monde: il est impossible ou presque d'en sortir de l'argent.
Toute facture devant être payée à un fournisseur français ou chinois doit être approuvée par une commission gouvernementale. Cela ralentit d'autant plus l'activité que ces mêmes fournisseurs, méfiants, demandent désormais à être payés d'avance.
Impossible aussi d'ouvrir un compte à l'étranger, d'y acheter des actions. Athènes tolère deux exceptions: les Grecs étudiants à l'étranger pourront recevoir jusqu'à 5.000 euros par trimestre, ceux se faisant soigner hors de Grèce jusqu'à 2.000 euros.
A l'intérieur du pays, il est interdit de retirer plus de 60 euros par jour.
Le ministre grec de l'Economie Giorgos Stathakis a prévenu dès le 12 juillet que le dispositif mettrait "quelques mois" à disparaître.
En gelant ainsi les circuits financiers, l'Etat grec répond à une urgence: protéger les banques.
Face à la crise économique toujours plus sévère, et aux incertitudes sur l'aide que la Grèce peut espérer de ses créanciers, la menace d'une ruée bancaire accompagnée de transferts massifs d'argent à l'étranger est maximale.
Le pays a perdu quelque 40 milliards d'euros de capitaux depuis décembre dernier.
- Première étape: consolider les banques -
"Le problème des contrôles de capitaux, c'est qu'il est très facile de les imposer, mais très difficile de les lever", souligne Diego Iscaro, économiste de la société d'études IHS.
Ou, comme le dit Dietmar Hornung, analyste de l'agence de notation Moody's, "la confiance (dans les banques) se perd rapidement mais ne se regagne que lentement".
Il n'est qu'à voir l'Islande, qui commence à peine à lever les contrôles de capitaux, en vigueur ... depuis 2008.
Ou Chypre, comme la Grèce membre de la zone euro, qui vient tout juste lever des restrictions introduites en 2013, et a entre-temps procédé à un "bail-in", une ponction des dépôts bancaires, pour renforcer les banques.
"Même Chypre, avec un gouvernement résolument engagé dans les réformes, un processus qui se déroule bien, met deux ans à s'en sortir", souligne Frederik Ducrozet, économiste chez Crédit Agricole (PARIS:CAGR). La Grèce sort elle de semaines de négociations chaotiques et certains de ses créanciers mettent en doute ouvertement la capacité du gouvernement à tenir ses engagements.
"Le +bail-in+ était plus facile politiquement en Chypre où il a surtout concerné des étrangers", essentiellement des Russes ayant déposé leur argent sur l'île, souligne pour sa part M. Iscaro.
L'économiste Frances Coppola écrit elle sur son blog qu'en Grèce "la plupart des gros investisseurs ont déjà repris leur argent. Ce qui reste c'est principalement le capital dont ont besoin les entreprises. Le ponctionner serait beaucoup plus destructeur pour l'économie grecque" qu'il ne l'avait été à Chypre.
Pour M. Ducrozet, si ponction des dépôts il y a, comme beaucoup de Grecs le redoutent, il faudra "protéger les PME" pour ne pas faire plonger encore plus le pays.
L'agence Standard and Poor's estime la récession en Grèce à 3% cette année. Des 129 pays qu'elle note, seuls l'Ukraine, le Venezuela et le Belarus feraient pire.
Avant toute levée des contrôles de capitaux, il faudra en Grèce consolider les banques.
Cela implique d'attendre que la Banque centrale européenne conduise des "stress tests" pour éprouver la résistance des banques, puis que celles-ci soient recapitalisées, grâce à un nouveau plan d'aide à la Grèce, lequel n'est pas encore finalisé.
Dans l'accord entre Athènes et ses créanciers arraché le 13 juillet, le montant de 25 milliards d'euros pour renflouer les banques est évoqué.
M. Ducrozet, plus optimiste, table lui sur "entre 10 et 20 milliards avec une mesure de +bail-in+".
Une fois la recapitalisation menée à bien, ou même avant si la BCE, rassurée par l'avancement des négociations politiques, rouvre aux banques grecques l'accès aux opérations normales de refinancement de la zone euro, Athènes pourrait commencer à augmenter les plafonds de retraits, et autoriser certains virements à l'étranger.