par Emile Picy
PARIS (Reuters) - Les députés, y compris au sein de la majorité, sont très sévères sur les méthodes de travail du gouvernement qui tente selon eux de passer en force en accélérant notamment les procédures.
L'utilisation à trois reprises du 49-3 sur la "loi Macron", une procédure qui permet de faire adopter un texte sans le soumettre au vote, ou bien encore l'examen fin juillet d'un projet de loi majeur sur l'immigration un an après son examen en conseil des ministres ont cristallisé la colère des élus.
Du président de la commission des Lois, le socialiste Jean-Jacques Urvoas, au Républicain Gérard Cherpion en passant par le radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, tous expriment leur irritation.
"Au plan législatif, la session qui vient de s'achever laisse l'impression d'un demi-succès. C'est-à-dire d'un demi-échec", estime Roger-Gérard Schwartzenberg.
Pour le président du groupe des Radicaux de gauche, pourtant l'un des alliés les plus fiables des socialistes, l'exécutif en porte la responsabilité en soumettant des projets de loi "de plus en plus prolixes", telle la loi Macron qui est passée d'une centaine d'articles à plus de 400 au terme de son examen.
L'ancien ministre reproche au gouvernement d'introduire de nombreuses dispositions d'ordre réglementaire ou bien encore de "rallonger" ses textes en cours de procédure à renfort d'amendements.
Le président de la commission des Lois a multiplié les mises en garde et dénonce aujourd'hui un "détournement de procédure". "Dorénavant, le gouvernement devra réfléchir avant d'écrire", a-t-il ainsi lancé à un ministre.
Dans son rapport d'information relatif au bilan d'activité de sa commission, qui est l'une des plus sollicitées du Palais-Bourbon, Jean-Jacques Urvoas ne mâche pas ses mots.
"DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE"
"Il faut constater que le gouvernement semble prendre l'habitude de déposer, en séance publique, des amendements portant article additionnel sur ses propres projets de loi" écrit-il.
"Comment expliquer une telle tendance? Est-ce une insuffisance de préparation de certains textes?", s'interroge-t-il. "Est-ce pour échapper à certaines procédures?", ajoute-t-il.
Les amendements gouvernementaux ne sont pas soumis à l'avis du Conseil d'Etat et sont dispensés d'étude d'impact.
"Ces pratiques, qui dans certains cas extrêmes approchent le détournement de procédure, n'ont pas vocation à perdurer". "Il faut donc souhaiter que la session 2015-2016 puisse le démontrer", conclu l'élu socialiste.
Lors de la dernière séance de la session extraordinaire, qui s'est achevée le 23 juillet, Gérard Cherpion (LR) a lui aussi attaqué Manuel Valls et ses ministres.
"Non seulement le gouvernement ne laisse plus au Parlement le temps de faire son travail correctement mais de surcroît il dépose des amendements hors délai".
"Cela convient-il au président de la République qui semble considérer que le travail parlementaire est inutile et trop long? Mon opinion est que cela ne convient plus aux parlementaires", a-t-il lancé.
Pour le député d'opposition, "le travail de dernière minute, sous pression, sans respect des délais convenables" ne permet plus aux parlementaires "de travailler de façon satisfaisante".
Lors d'une conférence de presse en février dernier, François Hollande avait souhaité que le Parlement aille dans le sens d'une accélération des procédures.
"Est-ce que c'est possible de faire pendant plusieurs mois un débat sur un texte que l'on considère comme urgent?" s'était-il interrogé.
Les députés reprendront leurs travaux à l'Assemblée le 14 septembre.
(Edité par Sophie Louet)