La grande distribution et ses fournisseurs concluent mardi leurs négociations commerciales pour 2017 dans un climat de fortes tensions malgré une nouvelle loi, les fédérations agricoles criant au risque de "casse sociale" pour certains secteurs.
Représentants de industries agroalimentaires, fédérations agricoles et distributeurs se renvoient la responsabilité des vives dissensions dans ces discussions portant largement sur les prix.
A l'origine de ces tensions, la guerre des prix que se livrent les distributeurs, très focalisée sur les promotions, et aiguisée par la constitution de grosses centrales d'achat.
De leur côté, les fournisseurs déplorent le manque de prise en compte de la forte volatilité des cours des matières premières.
"Les négociations ont été extrêmement difficiles une fois de plus", a souligné Dominique Chargé, président de Coop de France, l'organisation professionnelle de la coopération agricole.
Il a déploré "les demandes de déflations systématiques, les demandes de compensation de pertes de marge, de nouvelles contraintes logistiques et le refus de toute répercussion des hausses de cours des produits agricoles bruts".
Par exemple, pour la filière des producteurs de saumon, il est à craindre "une casse économique et sociale qui sera la conséquence des ventes à pertes faites depuis un an", selon M. Chargé.
Ces accusations sont relayées par les industriels du lait (Fnil) et Jean-Philippe Puig, directeur général d'Avril (Lesieur, Puget).
"On voit le lait qui a progressé de 30%, les oranges qui ont progressé de 50% et en face des acheteurs qui disent :+écoutez, nous, c'est pas notre problème, on veut le même prix que l'an passé", souligne Jean-Philippe Girard, président de l'Association des industries alimentaires (Ania).
Selon lui, les baisses demandées par les distributeurs sont de l'ordre de -2 à -8%.
Côté distributeurs, pour Serge Papin, patron de Système U, les demandes de hausse de tarifs réclamées par les industriels étaient "totalement déconnectées du contexte" général de consommation baissier.
"On est aujourd'hui avec des demandes de hausse moyennes de l'ordre de 4,69%, sans rapport avec la réalité", dit-il à l'AFP. Selon lui, les multinationales agroalimentaires "cherchent à se refaire sur la valeur pour compenser les baisses de volumes".
Sur les hausses de matières premières, "on est prêt à en tenir compte, mais nous voulons nous assurer que les sommes que nous mettrons en plus parviendront bien aux producteurs".
- Code de conduite -
Dans ce contexte, la Fédération du Commerce et de la distribution (FCD) a demandé davantage de transparence aux industriels dans la rémunération qui sera octroyée aux producteurs, conformément aux dispositions de la loi Sapin 2.
Ces derniers refusent pour le moment, arguant que la loi est entrée en vigueur début janvier, et que leurs conditions générales de vente (CGV) ont été envoyées en novembre.
"Tout le monde se renvoie l'ascenseur : les industriels disent que c'est la faute des distributeurs, les distributeurs que c'est la faute des industriels. Mais ceux qui payent l'addition ce sont les éleveurs", a fustigé le président de la FNPL (producteurs laitiers) et de l'interprofession laitière, Thierry Roquefeuil.
Malgré ces désaccords persistants, la FCD, qui a instauré un code de bonne conduite pour favoriser l'apaisement, estime que "les négociations se passent mieux que les années précédentes à la fois sur le plan de l'ambiance des discussions dans les box (où les enseignes négocient avec leurs fournisseurs, ndlr), mais aussi en terme de rapidité d'exécution des contrats".
Avec les PME, par exemple "le gros des accords a déjà été conclus", selon M. Papin.
De son côté, les pouvoirs publics restent "extrêmement vigilants".
Malgré "une relative amélioration des relations avec certaines enseignes, (...) certains distributeurs refusent toute demande de hausses de prix, et tentent d'imposer des remises préalables", a déclaré jeudi la directrice de la DGCCRF (répression des fraudes), Nathalie Homobono.
En 2016, la répression des fraudes a procédé à 1.621 contrôles et assigné devant la justice cinq enseignes, dont Carrefour (PA:CARR), pour "des pratiques commerciales abusives" dans le cadre des négociations commerciales.
Une nouvelle assignation pourrait intervenir "probablement dans les prochaines semaines", a averti Mme Homobono.