Le super-impôt promis par le candidat du PS François Hollande aux ultra-riches déchaîne les passions politiques mais divise aussi les spécialistes entre ceux qui prophétisent comme Nicolas Sarkozy l'exode fiscal des Français les plus aisés et ceux qui dédramatisent l'enjeu.
"Si ceux qui sont ciblés par ces mesures fiscales se retrouvent avec l'ancien barême de l'impôt de solidarité sur la fortune et un taux à 75% sur leurs revenus, ils devraient être héroïques pour rester contribuables en France", estime Jean-Yves Mercier, avocat fiscaliste du cabinet CMS Francis Lefebvre.
"Il peut y avoir un impact", concède Serge Colin, syndicaliste à la tête de l'Union des personnels des finances en Europe (40 syndicats et 350.000 adhérents). Mais, à l'en croire, "ce sera epsilon, soit parce que les contribuables concernés ont le sens de la solidarité nationale, soit parce que leurs intérêts économiques et sociaux sont domiciliés en France".
Le président-candidat Nicolas Sarkozy a relancé la polémique jeudi, estimant que les très riches "n'ont aucun intérêt à rester" en France si François Hollande lui succédait et créait une tranche à 75% sur les revenus dépassant le million d'euros.
Le chef de l'Etat "perd le sens de la Nation" lorsqu'il "justifie l'exil fiscal des plus riches", a répliqué le chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault.
Qui a raison et qui a tort? Le risque d'un exil fiscal est-il bien réel? Tout est affaire de mesure.
Ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse a certes brandi la menace d'un exil fiscal massif mais, de son propre aveu, seuls 3.000 foyers fiscaux seraient concernés par l'annonce de François Hollande.
- exil fiscal -
D'une manière générale, l'exil fiscal reste nimbé de mystère en France. Les seuls chiffres disponibles remontent à 2008 et ont été communiqués aux parlementaires au détour d'un collectif budgétaire.
Selon ces éléments, 821 contribuables redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ont quitté la France en 2008 contre 719 l'année précédente. Le bouclier fiscal voulu par Nicolas Sarkozy avait pourtant plafonné entre-temps les prélèvements à 50% de leur revenus contre 60% auparavant. En 2006, ces exilés fiscaux étaient 843 ce qui témoigne d'une certaine stabilité.
Pour Me Mercier cependant, Nicolas Sarkozy "a raison" lorsqu'il annonce un exode fiscal. Parmi les clients de son cabinet, "énormément y réfléchissent et le disent", assure-t-il.
"Les 75% de Hollande leur sont tombés dessus un peu comme un coup de massue sur la tête" et ils se sentent "pris dans la nasse", y compris pour "ceux qui considéraient que les propositions d'origine du candidat socialiste étaient assez raisonnables", poursuit l'avocat.
Dans ces "60 engagements pour la France", le candidat socialiste s'était contenté dans un premier temps d'annoncer une nouvelle tranche à 45% pour les revenus supérieurs à 150.000 euros avant de lancer sa bombe des 75%.
Pour Vincent Drezet, le secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts (Snui), les craintes sont très exagérées : "Avec l'impôt sur les grandes fortunes créé en 1982 et son successeur, l'ISF, la France devrait être ajourd'hui un pays en voie de développement, or elle est au troisième rang mondial en termes de millionnaires".
De plus, observe-t-il, "le nombre de redevables de l'ISF a régulièrement augmenté avant sa réforme tandis que l'inégalité par le haut se renforçait au profit des Français les plus riches".
Reste à en convaincre les sportifs, comédiens et autres PDG concernés. "Ca va faire fuir la plupart des talents français, tous domaines confondus", a déjà averti Michel Seydoux, président du club de foot de Lille.