PARIS (Reuters) - Une loi imposera à l'avenir à l'administration judiciaire française d'informer systématiquement l'Education nationale des poursuites ou condamnations pour pédophilie visant des enseignants ou personnels en contact avec des enfants.
Le gouvernement a pris cette initiative, annoncée lundi à Grenoble par Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira, à la suite de deux affaires de pédophilie, en Isère et en Ille-et-Vilaine, qui ont révélé des défaillances dans la transmission d'informations entre la Justice et l'administration scolaire.
Cette disposition, destinée à "tenir à l'écart les prédateurs sexuels avérés" des milieux scolaire et associatif, sera incluse par voie d'amendement dans le projet de loi sur l'adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, examiné à partir du 1er juin à l'Assemblée.
La ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a souhaité que le texte soit adopté "avant la fin de l'été pour pouvoir s'appliquer à la rentrée".
Selon un rapport d'étape rendu public lundi, "les parquets compétents n'ont avisé l'Education nationale ni des poursuites, ni des condamnations", en dépit de l'existence de circulaires en ce sens. Un rapport définitif, qui identifiera notamment les responsabilités individuelles, sera rendu le 30 juin.
"Ce dysfonctionnement est plus courant qu'on ne le pensait. Nous devons y apporter une réponse ferme pour que cela plus jamais ne se reproduise", a souligné Najat Vallaud-Belkacem.
En Isère, l'Education nationale n'avait pas été informée des antécédents judiciaires d'un directeur d'école primaire de Villefontaine, mis en examen en mars pour des viols présumés sur au moins 11 élèves. L'homme avait été condamné en 2008 pour détention d'images pédopornographiques.
Les deux ministres ont rencontré lundi les parents des victimes présumées, des élèves de cours préparatoire.
SIGNALEMENTS À L'APPRÉCIATION DU PROCUREUR
En Ille-et-Vilaine, un professeur de sports du collège d'Orgères a été suspendu fin mars après que son ex-compagne eut signalé à l'Education nationale une condamnation en 2006 pour des faits de pédopornographie.
Dans ce dossier, des informations étaient parvenues oralement en 2011 et 2013 au chef d'établissement mais n'avaient pas été transmises au rectorat.
Le rapport précise que les investigations menées dans le cadre de l'information judiciaire n'ont pas permis à ce stade d'identifier des victimes parmi les élèves de l'enseignant.
L'amendement gouvernemental imposant un devoir d'information à la Justice concernera non seulement les établissements scolaires mais également les centres de loisirs, les centres associatifs, les colonies de vacances.
La question se pose d'un signalement au cours de l'enquête, qui sera laissé à l'appréciation du procureur, eu égard au respect de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction, a précisé Christiane Taubira.
D'autres mesures sont envisagées : le ministère de l'Education devrait se doter pour la rentrée prochaine de boîtes mails spécifiques pour recevoir les signalements, afin "que plus aucune information ne se perde dans la nature", a dit Najat Vallaud-Belkacem.
Le ministère de la Justice dotera pour sa part son fichier "Cassiopée", qui consigne des informations relatives aux plaintes enregistrées par les magistrats, d'un dispositif d'alerte pour toute infraction à caractère pédophile. Il devrait être opérationnel en septembre 2016, a dit Christiane Taubira.
La mission d'inspection a été chargée de réfléchir par ailleurs aux moyens de contrôler les personnels actuels, puisque la loi ne couvrira que les nouveaux cas.
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)