PARIS (Reuters) - La réforme des programmes du collège, vivement décriée, est susceptible d'amendements mais celle du collège, tout aussi critiquée, "ne bougera plus", a déclaré mardi Najat Vallaud-Belkacem, cible d'une salve croissante d'attaques.
Soutenue par François Hollande et Manuel Valls face à la droite mais aussi ses détracteurs à gauche, des intellectuels de droite et de gauche, des syndicats d'enseignants et même les autorités allemandes, la ministre de l'Education a réaffirmé sur France Inter que "le statu quo actuel" ne pouvait perdurer dans un collège producteur d'"inégalités sociales et scolaires".
Quelque 140.000 élèves quittent chaque année le système scolaire français sans diplôme.
Nicolas Sarkozy a dénoncé lundi soir une réforme "désastreuse pour notre République".
"Dans le combat effréné vers la médiocrité, voilà qu'elle [la ministre de la Justice Christiane Taubira] est en passe d'être dépassée par la ministre de l'Education nationale", a-t-il dit lors d'une réunion publique en Seine-Saint-Denis.
Cette réforme prévue pour la rentrée 2016, a de nouveau plaidé Najat Vallaud-Belkacem, a été adoptée en avril par le Conseil supérieur de l'Education par 51 voix contre 25. "Cette réforme ne bougera plus".
Un texte d'application précisera les points qui "font l'objet d'inquiétudes", notamment les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) à la charge des professeurs de matières classiques (français, mathématiques...) qui craignent de sacrifier l'apprentissage des acquis à ces "ateliers".
Les classes bilangues (créées en 2005), qui permettent actuellement à 15% des élèves d'apprendre deux langues vivantes dès la 6e au lieu de la 4e, ne seront maintenues que pour les enfants initiés à une autre langue que l'anglais au primaire.
Une seconde langue obligatoire sera introduite pour tous les élèves dès la 5e. La ministre est inflexible à cet égard.
"FUREUR ANTI-ÉLITISTE"
"Retirer aux uns ce qui marche pour donner à tout le monde quelque chose qui ne marchera pas forcément, ça n'est pas la bonne direction", a jugé sur BFM TV le député UMP Bruno Le Maire, qui a lancé une pétition pour le retrait de la réforme signée à ce jour par 231 parlementaires de l'opposition.
"Sous couvert d'égalité, cette réforme va accroître les inégalités, elle va accroître la différence entre le public et le privé", a-t-il ajouté.
Alain Finkielkraut, l'un des "pseudo-intellectuels" fustigés par la ministre, estime mardi dans Le Figaro que "la fureur anti-élitiste" du projet "déloge (...) la République de l'école".
Sur la refonte des programmes, elle aussi prévue pour 2016, Najat Vallaud-Belkacem se montre plus souple.
"Ce sont des projets qui vont évoluer bien entendu, la discussion est ouverte", a-t-elle dit, rappelant que les 800.000 enseignants concernés étaient actuellement consultés.
L'un des chapitres les plus critiqués de la réforme porte sur les programmes d'histoire, qui seraient partagés entre modules obligatoires et facultatifs.
"Ça veut dire que Voltaire est facultatif..", a déploré l'ancien ministre de l'Education Luc Ferry sur RTL.
La ministre défend l'idée de programmes "moins prescriptifs" qui imposent aux enseignants de "courir après la montre" sans "vérifier les acquis de leurs élèves".
Mais, concède-t-elle, "les enseignants nous font remonter leur incompréhension" : "Nous aboutirons sans aucun doute à autre chose que ce que vous voyez dans ce projet-là".
Les principaux syndicats d'enseignants appellent à une grève nationale le 19 mai contre la réforme du collège.
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)