Bill Ackman, l'un des investisseurs les plus réputés de Wall Street, enchaine revers sur revers depuis un an et pourrait avoir perdu sa légendaire habilité qui lui valait d'être comparé à Warren Buffett lui-même.
La performance de son fonds d'investissement, Pershing Square (NYSE:SQ), qui gère quelque 12 milliards de dollars, a diminué d'environ 20% au premier semestre, selon des documents boursiers. Et les choses ne risquent pas de s'arranger avec la nouvelle déconvenue subie vendredi sans l'affaire Herbalife, le spécialiste de compléments alimentaires et de produits minceur, qu'il accuse d'être une fraude pyramidale.
La commission fédérale de la concurrence américaine (FTC) a jugé que la manière de fonctionner d'Herbalife n'était pas frauduleuse même si elle devra se restructurer profondément et payer à ses membres 200 millions de dollars de compensations.
"C'est une grande victoire pour les actionnaires d'Herbalife et une éclatante défaite pour le camp des spéculateurs", estime Timothy Ramey, analyste chez Pivotal Research Group.
La pilule est d'autant plus amère que Bill Ackman, 50 ans, a perdu contre son "meilleur ennemi", Carl Icahn, 80 ans, autre investisseur activiste très respecté. Ce dernier avait, lui, investi dans Herbalife, affirmant croire au modèle économique du groupe. Une joute verbale mémorable sur le sujet avait opposé les deux hommes en direct à la télévision en 2013.
M. Icahn n'a d'ailleurs pas pu s'empêcher de tacler vendredi son rival en affirmant que ceux qui avaient parié contre Herbalife avaient eu "complètement tort".
"Une fois la restructuration des activités d'Herbalife finalisée, ces changements structurels provoqueront l'effondrement de la pyramide", a rétorqué Bill Ackman qui ne démord pas.
- Moqué -
Le golden-boy à l'élégance soignée, diplômé de la prestigieuse université d'Harvard, accuse Herbalife d'être un mécanisme frauduleux de style "Ponzi", le comparant au courtier en énergie Enron, au coeur d'un scandale financier dans les années 2000, et à l'escroc Bernard Madoff.
Joignant le portefeuille à la parole, il a en 2012 parié un milliard de dollars sur le plongeon en Bourse d'Herbalife, "shortant" le groupe à 47 dollars l'action. Mais celle-ci s'échangeait vendredi aux alentours de 66 dollars. M. Ackman a admis qu'à ce niveau il perdait environ 20 millions de dollars par an.
Au-delà de l'aspect financier, c'est la crédibilité du financier qui est égratignée car il s'est personnellement mouillé dans cette bataille en multipliant les apparitions et en inondant internet de vidéos de témoignages accablants contre Herbalife.
Fondée en 1980, l'entreprise écoule dans plus de 80 pays ses substituts de repas et ses barres énergétiques sur le modèle de Tupperware, c'est-à-dire par un réseau de distributeurs qui pratiquent cette activité à domicile en conviant parents et amis à des réunions de présentation. Pour Bill Ackman, Herbalife gagne de l'argent non en vendant ses produits aux particuliers mais en recrutant sans cesse de nouveaux revendeurs obligés d'acquérir ces produits.
"M. Ackman symbolise les comportements d'activistes qui détruisent plus qu'ils ne créent de la valeur à long terme pour les actionnaires", fustigent David Trainer et Sam McBride chez New Constructs.
Sollicité par l'AFP, Bill Ackman n'a pas donné suite.
Le milliardaire a également vu fondre son investissement dans le groupe pharmaceutique canadien Valeant dont son fonds d'investissement est le deuxième gros actionnaire avec 6,3% du capital.
L'action Valeant a perdu plus de 77% de sa valeur boursière depuis janvier, empêtré dans les polémiques sur des augmentations abusives de prix de ses médicaments et des soupçons de manipulations comptables.
Son traitement prometteur contre le psoriasis pourrait ne pas recevoir le feu vert des autorités sanitaires américaines (FDA), croient en outre savoir des analystes qui s'inquiètent de sa colossale dette de 30 milliards de dollars.
M. Ackman, présenté en 2015 par Forbes comme un "bébé Buffett" en référence au légendaire investisseurs Warren Buffett, est désormais moqué sur les réseaux sociaux.
"Je ne suis pas désolé pour Bill Ackman mais pour ceux qui lui ont confié leur argent", écrivait par exemple un internaute sur Twitter vendredi.