par Luke Baker
JERUSALEM (Reuters) - Le règne de Benjamin Netanyahu pourrait s'achever mardi lors des élections législatives en Israël qui, selon les sondages, devraient se traduire par une victoire du centre gauche, les électeurs se montrant plus sensibles aux questions économiques et sociales qu'aux traditionnels thèmes sécuritaires.
Pour Yair Lapid, fondateur du parti centriste Yesh Atid après les manifestations de 2011 contre le coût de la vie, "la majorité des Israéliens souhaitent un changement".
"Le règne de Netanyahu touche à sa fin. Ce n'est pas que les problèmes de sécurité ne comptent plus mais ce sont les questions économiques et sociales qui dominent les préoccupations", explique cet ancien présentateur du journal télévisé.
"Netanyahu a laissé passer sa chance. On ne peut pas lui reprocher car il n'est jamais facile de savoir quand votre règne va s'achever. Mais pour lui, il s'achève".
Yair Lapid occupait les fonctions de ministre des Finances dans le gouvernement de coalition avant d'être limogé en décembre, en même temps que la ministre de la Justice Tzipi Livni.
Cette crise ministérielle avait convaincu Benjamin Netanyahu de convoquer des élections anticipées qu'il pensait remporter facilement pour accomplir un quatrième mandat, fait sans précédent dans la vie politique israélienne.
Estimant être le seul à pouvoir mener une politique garantissant la sécurité d'Israël, "Bibi" a alors fait campagne sur ses sujets de prédilection : la menace du programme nucléaire iranien et la lutte contre les islamistes dans la bande de Gaza.
Ces thèmes, déjà déclinés lors de sa victoire en 2013, ont donné aux électeurs israéliens, y compris aux militants du Likoud, le sentiment que le chef du gouvernement était à court d'idées et de propositions.
Le discours qu'il a prononcé le 3 mars à la tribune du Congrès américain a marqué une sorte de tournant dans la campagne électorale. Il y avait affirmé que l'Iran représentait une menace mondiale et estimé que l'administration Obama ne pourrait conclure qu'un "mauvais accord" sur le programme nucléaire mené par la République islamique.
Largement en tête dans les enquêtes d'opinion avant ce discours, il a alors vu sa cote de popularité décliner.
VENT DU CHANGEMENT
Les dernières estimations publiées vendredi donnent à l'Union sioniste formée par le travailliste Isaac Herzog et la centriste Tzipi Livni une avance de quatre sièges à la Knesset.
Le centre gauche ne disposera pas de la majorité absolue parmi les 120 élus, et constituer un gouvernement pourrait se révéler complexe dans une assemblée où 11 partis devraient être représentés.
Même si Netanyahu et le Likoud arrivaient en deuxième position, ils pourraient être en mesure de former une coalition, la majorité des élus inclinant à droite.
L'arbitre des négociations pourrait bien être à nouveau Yair Lapid. Lors des législatives de 2013, les sondages créditaient son parti de 13 sièges, il en avait finalement remporté 19, devenant un interlocuteur incontournable.
Lapid estime qu'un tel résultat peut être reproduit mardi et les observateurs partagent son analyse.
"Environ 15% des électeurs se décident le jour du scrutin", explique Yair Lapid. Son parti doté d'une solide implantation électorale possède un véritable savoir-faire pour convaincre ce type d'indécis.
En cas de victoire, le centre gauche aura besoin de Yair Lapid, qui apparaît comme un allié naturel, mais il aura également besoin du soutien des ultra-orthodoxes sans lesquels la majorité absolue de 61 députés ne pourra pas être atteinte.
Le candidat centriste estime que si les problèmes économiques et sociaux sont réglés, la question palestinienne pourra alors être abordée d'une manière naturelle.
Lapid et les dirigeants de l'Union sioniste évoquent ouvertement la possibilité d'un Etat palestinien indépendant, ce que ne fait quasiment jamais Netanyahu.
"C'est le vent du changement, note-t-il, et si le vent du changement souffle sur les questions intérieures, il soufflera également sur les questions palestiniennes".
"Cela ne se fera pas en une fois, c'est un mouvement en trois étapes, mais c'est en marche".
(Pierre Sérisier pour le service français)