L'Insee prévoit une reprise de l'activité économique lors de la première moitié de l'année 2015, mais elle sera encore insuffisante pour enrayer la hausse du chômage ou provoquer le "déclic" de l'investissement des entreprises tant attendu par le gouvernement.
Dans sa note de conjoncture publiée jeudi, l'Institut national de la statistique et des études économiques prévoit une croissance du produit intérieur brut français de 0,4% au premier trimestre (révision légèrement en hausse par rapport à l'estimation de décembre) et de 0,3% au deuxième trimestre.
Ces prévisions, qui assurent à la France un acquis de croissance (croissance annuelle s'il n'y a pas de variation les deux trimestres suivants) de 0,8%, confortent la position du gouvernement qui prévoit 1% sur l'année mais qui espère aussi aller au-delà. De plus, si le scénario conjoncturel de l'Insee se réalise, le produit intérieur brut (PIB) à mi-2015 aura crû de 1,1% par rapport à mi-2014.
"Le 1% pour l'année 2015, perçu par beaucoup comme irréaliste il y a quelques mois, apparaît aujourd'hui comme un plancher", a commenté le ministre des Finances Michel Sapin, devant la presse, rappelant que "l'objectif est de faire plus".
Cependant, si les chiffres remontent, deux nuages très noirs hypothèquent encore la reprise: d'une part le taux de chômage va encore augmenter selon l'Insee, d'autre part la confiance des entrepreneurs ne revient pas puisque leurs investissements resteront "atones" au premier semestre, malgré un "net redressement" du taux de marge des entreprises.
- 10,2% de chômage en métropole -
Le taux de chômage, qui a atteint la barre des 10% de la population active fin 2014, devrait ainsi continuer à augmenter jusqu'à 10,2% en métropole mi-2015, retrouvant un niveau inégalé depuis près de 20 ans, fin 1997. Les économistes et le gouvernement estiment qu'il faut au moins 1,5% de croissance pour faire baisser le chômage.
"On s'attend à une légère augmentation de l'emploi total, de l'ordre de 20.000 emplois. Mais la population active augmente d'environ 60.000 personnes, donc on observera une hausse du taux de chômage, sur le même rythme que les trimestres précédents", a expliqué Vladimir Passeron, chef du département conjoncture de l'Insee, lors d'une conférence de presse jeudi.
Parallèlement, si les perspectives d'investissements dans l'industrie augmentent légèrement, celles des services grèvent la prévision (0,0% en moyenne au premier trimestre, 0,1% au deuxième). Le gouvernement doit annoncer de nouvelles mesures pour inciter les entreprises à investir et, pour l'Insee, "les conditions sont réunies" pour une reprise de l'investissement.
- "Redressement spectaculaire" des marges -
En effet, détaille l'Institut, le taux de marge des entreprises s'est nettement redressé, retrouvant son niveau de 2011 (31,3%). Il l'explique par l'effet conjugué de la baisse de l'euro, du crédit d'impôt compétitivité emploi et des premières baisses de cotisations patronales prévues dans le pacte de responsabilité, mais aussi des conditions de financement favorables et d'un prix du pétrole qui reste bas.
Toutefois, l'Insee relativise l'impact négatif de la faiblesse de l'investissement sur la reprise économique: "Le taux d'investissement français n'a pas baissé autant en France que dans d'autres pays pendant la crise, il n'y a pas de rattrapage nécessaire", a expliqué Laurent Clavel, chef de la division Synthèse conjoncturelle de l'Insee. "Historiquement, la plupart des redémarrages économiques s'accompagnent d'un investissement suiveur, pas moteur", a-t-il précisé.
Pour Michel Sapin, si les taux de marge opèrent un "redressement spectaculaire", le but du gouvernement est de retrouver les niveaux de 2007, avant la crise (32,7%). Et cet objectif justifie selon lui "le maintien du cap" de la politique économique du gouvernement, une ligne très contestée à gauche après la défaite de la majorité aux départementales. "Il faut que le monde économique soit certain que le cap (des baisses de charges et d'impôts) soit maintenu", a insisté le ministre.
Reste que, dans l'immédiat, l'activité sera portée par la consommation des ménages, traditionnel moteur de croissance en France. Celle-ci se fera en lien avec une "accélération du pouvoir d'achat", selon l'Insee, grâce à la baisse des prix des carburants, mais aussi au "moindre dynamisme des prélèvements obligatoires".
Quant au commerce extérieur, malgré les bons effets de la baisse de l'euro sur les exportations, il devrait avoir une influence marginale sur la croissance cette première moitié d'année.