par Katharina Bart et Pamela Barbaglia
ZURICH/LONDRES (Reuters) - Le groupe suisse d'agrochimie Syngenta a rejeté vendredi une offre de rachat de 45 milliards de dollars (40 milliards d'euros) de la part de l'américain Monsanto en jugeant qu'elle le sous-valorisait et ne prenait pas suffisamment en compte les obstacles en matière de concurrence.
On avait appris auparavant de sources au fait du dossier que les deux groupes travaillaient avec des banques d'investissement sur un projet de rapprochement qui créerait un géant mondial de l'agrochimie pesant pour plus de 31 milliards de dollars de chiffre d'affaires.
Le conseil d'administration de Syngenta a néanmoins repoussé à l'unanimité une offre à 45% de numéraire valorisant le groupe suisse à 449 francs (434 euros) par action.
"La proposition de Monsanto ne reflète pas les perspectives exceptionnelles de croissance offertes par la stratégie intégrée de Syngenta ni le potentiel important de valorisation future de l'innovation dans le domaine des cultures et les positions de leader de l'entreprise", a déclaré le président du groupe suisse, Michel Demaré, cité dans le communiqué.
Syngenta a en outre considéré que l'offre de Monsanto ignorait en partie les "risques importants de réalisation", notamment en ce qui concerne l'examen qu'effectueraient les autorités de la concurrence dans de multiples pays. Les deux groupes sont notamment leaders sur le marché des semences aux Etats-Unis.
L'action Syngenta bondissait de quasiment 16% à 385 francs vers 10h30 en Bourse de Zurich, dont l'indice gagnait 0,97% dans le même temps.
AUTRES PRÉTENDANTS
Les rumeurs de fusion entre les deux groupes ont enflé depuis fin avril.
Monsanto, qui a contacté Syngenta l'an dernier, est depuis longtemps intéressé par le groupe suisse, à la fois pour renforcer ses opérations en Europe mais aussi avec des vues sur la fiscalité plus avantageuse de la Confédération helvétique.
Le gouvernement américain a depuis mis un frein sur les pratiques d'"inversion fiscale" qui permettaient à des firmes américaines de se délocaliser pour payer moins d'impôts et, selon une source industrielle, Monsanto risque en conséquence de devoir renoncer à l'idée d'un transfert de siège en Suisse.
Syngenta, issu en 2000 des divisions agrochimiques de Novartis (SIX:NOVN) et de Zeneca, investit lourdement dans la recherche-développement pour accroître la productivité de cultures comme le maïs, le soja, la canne à sucre et les céréales.
Monsanto se concentre pour sa part sur les semences conventionnelles et génétiquement modifiées. Il a porté l'an dernier son effort de R&D (recherche-développement) à 1,7 milliard de dollars contre 1,5 milliard en 2013.
"Il y une logique stratégique évidente derrière un rapprochement", a dit l'une des sources. "Syngenta est la seule cible disponible dans la protection des récoltes. Ce n'est pas étonnant que Monsanto continue de lui tourner autour."
Un accord interviendrait dans un contexte d'ouverture de l'Union européenne aux organismes génétiquement modifiés (OGM). La seule culture de ce type actuellement pratiquée en Europe est celle du maïs MON810 de Monsanto, en Espagne et au Portugal.
Malgré les affinités culturelles entre les deux groupes, Monsanto n'est pas seul à s'intéresser à Syngenta. Le groupe chimique allemand BASF (XETRA:BASFN) et l'américain Dow Chemical font aussi figure de prétendants possibles pour tout ou partie des activités du groupe suisse, selon une source.
Même le groupe public chinois ChemChina (China National Chemical Corporation) (ChemChina), désireux de grossir en Europe, pourrait regarder le dossier mais Syngenta ne semble pas disposé a priori à se vendre à un concurrent asiatique.
Syngenta a pour autres concurrents Bayer CropScience et DuPont (NYSE:DD) Pioneer.
(Véronique Tison et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)