par Michele Kambas et Tom Körkemeier
ATHENES/BRUXELLES (Reuters) - Le gouvernement grec a soumis mercredi à l'approbation du Parlement un décret donnant les grandes lignes d'un nouveau programme de renflouement de trois ans, sollicitant du législateur un vote permettant un prompt déblocage de l'aide financière.
La Grèce et ses créanciers internationaux sont parvenus mardi après d'âpres négociations à un accord sur un nouveau plan d'aide de 85 milliards d'euros destiné à permettra au pays de rester dans la zone euro et d'éviter une situation de défaut.
Il s'agit du troisième plan de renflouement de la Grèce depuis 2010.
Le Premier ministre, Alexis Tsipras, souhaite que le Parlement se prononce vite afin que l'accord, qui ôtera selon lui toute incertitude sur l'avenir économique du pays, puisse être examiné en commission avant un vote en séance plénière attendu jeudi soir.
De cette manière, les ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe), qui se réuniront vendredi à 15h00 à Bruxelles, pourraient entériner l'accord de renflouement, autorisant ainsi le versement de ressources financières à la Grèce avant un remboursement de 3,2 milliards d'euros dûs le 20 août à la Banque centrale européenne (BCE).
Si le gouvernement allemand s'est félicité de l'accord intervenu mardi, il a ajouté qu'il devait l'étudier un peu plus dans le détail pour déterminer s'il pouvait être approuvé par le Bundestag.
"On peut dire que cet accord va dans le bon sens mais il ne nous est pas possible pour le moment de dire si nous pouvons lancer la procédure nationale, autrement dit réclamer un vote du Bundestag", a déclaré Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel.
Un porte-parole du ministère des Finances a dit de son côté que le ministère avait soulevé certaines questions concernant le protocole d'accord passé entre Athènes et ses créanciers, sans pour autant le rejeter. "Nous avons formulé des questions et cela entre dans le cadre de la procédure d'examen, qui n'est pas encore terminée", a-t-il dit, ajoutant que ces questions seraient abordées vendredi par l'Eurogroupe.
Le porte-parole a jugé inexactes les informations voulant que Berlin ait rejeté le troisième programme d'aide de la Grèce. Citant des sources européennes, le quotidien allemand Bild écrit que Berlin juge le protocole d'accord insuffisant, plusieurs questions demeurant notamment sur le rôle du Fonds monétaire international (FMI), la soutenabilité de la dette et le programme de privatisation.
Reuters a également pris connaissance d'un document du ministère allemand des Finances dans lequel ce dernier estime que l'accord n'est pas "entièrement clair sur l'évolution des politiques". Il ajoute que les projets de réforme d'Athènes "ne sont pas encore en adhésion" concernant la dette et les privatisations. Un responsable gouvernemental allemand a dit que ce document ne représentait pas l'opinion du gouvernement en son entier.
€10 MILLIARDS RAPIDEMENT DÉBLOQUÉS
Signe de dissensions au sein du parti de gauche radicale Syriza, Zoe Constantopoulou, présidente du Parlement et farouche opposante à cet accord d'aide, a convoqué une réunion des députés du parti mercredi soir.
Cette initiative aura pour effet immédiat de retarder le travail des commissions parlementaires mais pas le vote en séance plénière, de l'avis de responsables parlementaires. "Le gouvernement veut qu'il (le décret) soit approuvé avant la réunion de l'Eurogroupe de vendredi", a dit un responsable parlementaire à Reuters.
Le texte soumis aux députés couvre la réforme de la fiscalité et des retraites, la réforme de la fonction publique, la relance du programme de privatisation et, à cette fin, l'établissement d'un fonds supervisé par les institutions européennes.
Des sources de l'Union européenne (UE) ont dit à Reuters que la mise en oeuvre par la Grèce de ces réformes serait examinée par les créanciers en octobre et que toute discussion relative à un allègement de la dette interviendrait ultérieurement. "Il y aura un premier examen poussé de la mise en oeuvre des mesures en octobre", a dit l'une d'elles.
Alexis Tsipras a dit mercredi, à l'occasion d'un déplacement au ministère des Infrastructures, que son gouvernement serait à la pointe du combat contre l'évasion fiscale et la corruption, en partie responsables à son sens de la crise du pays.
L'accord intervenu mardi prévoit aussi un versement "immédiat" de 10 milliards d'euros à destination des banques grecques, qui seront recapitalisées d'ici la fin de l'année, avait déclaré un responsable grec mardi.
Plusieurs sources ont confirmé cette information mercredi mais précisé que les fonds destinés au secteur bancaire grec seraient dans un premier temps placés sur un compte spécial géré par le Mécanisme européen de stabilité (MES).
Les banques ne seront véritablement renflouées qu'à l'issue de "tests de résistance" qui doivent être bouclés d'ici la fin octobre, ont ajouté les sources, et après avoir soumis un "business plan" à l'approbation du MES.
Quinze milliards d'euros supplémentaires seront débloqués d'ici la fin de l'année, ont encore dit les sources.
"Lorsque la recapitalisation complète des banques sera achevée, cela aura un impact majeur sur l'économie", a expliqué l'une d'elles. "Nous savons qu'il y a une quarantaine de milliards d'euros de liquidités sous le matelas dans l'économie réelle et cet argent reviendra (vers les banques) très, très rapidement".
(Avec George Georgiopoulos à Athènes, Noah Barkin, Madeline Chambers et Gernot Heller à Berlin, Jeremy Gaunt à Bruxelles, Balazs Koranyi à Francfort, Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Véronique Tison)