Les effectifs du secteur pharmaceutique français sont tombés sous la barre des 100.000 emplois pour la première fois depuis 12 ans en 2014, et le déclin devrait continuer cette année, s'est inquiétée la fédération du secteur dans un baromètre à paraitre jeudi, appelant l'Etat à réagir.
Les effectifs devraient reculer en 2015, pour la huitième année consécutive, de 0,5%, après un repli de 0,6% en 2014, où 98.810 salariés étaient recensés dans le secteur, selon la fédération des entreprises du médicaments (Leem).
Dix-neuf plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été annoncés en France dans le secteur en 2015, affectant 2.300 salariés, contre 27 PSE en 2014, touchant 4.000 personnes, selon le décompte de la fédération.
Dernier PSE annoncé en date, celui de Servier fin novembre, qui compte supprimer 610 emplois dans ses services commerciaux.
Pierre Fabre est quant à lui en train de supprimer 551 postes en France, dont la moitié dans la recherche-développement de sa division de médicaments. Et Sanofi (PA:SASY), le vaisseau amiral du secteur pharmaceutique en France, a récemment annoncé la suppression de quelques centaines de postes par an dans le pays dans les trois prochaines années, après avoir déjà supprimé 5.000 emplois depuis 2008 selon la CGT.
L'an dernier le recul des effectifs a concerné 45% des laboratoires en France, tandis qu'ils ont augmenté dans 35% des sociétés et stagné dans les autres. La baisse de l'emploi a surtout concerné les grandes entreprises de plus de 1.000 salariés, selon le Leem.
- Baisse inédite dans la production -
Dans le détail, l'emploi a diminué de 1,47% l'an passé dans les activités commerciales des laboratoires, de 0,63% dans la recherche-développement et de 0,34% dans les services administratifs.
Il a surtout également reculé, pour la première fois, dans la production (-0,3%).
La baisse des effectifs en production avait été jusqu'à présent évitée grâce aux reprises d'usines par les façonniers, les sous-traitants de l'industrie pharmaceutique. Mais ceux-ci sont également soumis à une forte concurrence et n'ont pas recruté l'an dernier.
Ce repli dans la production est "mesuré mais préoccupant" selon le Leem, qui le met sur le compte du "recul des investissements productifs constaté ces dernières années et la difficulté des sites français à capter de nouvelles productions de médicaments, notamment ceux issus des biotechnologies".
Les laboratoires français produisent majoritairement des molécules sous formes sèches, en phase de maturité, à faible innovation et à faible croissance. Ainsi sur 130 nouvelles molécules autorisées en Europe sur la période 2012-2014, "seules 8 seront produites en France, contre 32 en Allemagne, 28 au Royaume-Uni ou 13 en Italie", s'inquiète le Leem.
- Une attractivité en berne -
"La France n'est plus dans la compétition pour attirer la recherche-développement ou la production, on a de moins de moins d'arguments pour vendre la France" auprès des investisseurs, notamment étrangers, estime Philippe Lamoureux, le directeur général du Leem.
Alors que le modèle d'activité de l'industrie pharmaceutique est en pleine mutation, caractérisée par le déclin des molécules chimiques et l'explosion des biotechnologies, le secteur en France est confronté à "une réglementation particulièrement exigeante, voire drastique" et qui manque de stabilité, a estimé le directeur général du Leem Philippe Lamoureux.
Malgré des outils d'attractivité "formidables" comme le crédit d'impôt recherche, la fiscalité du secteur en France est "particulièrement lourde" et l'écart se creuse avec la concurrence européenne, a-t-il affirmé.
L'industrie pharmaceutique souffre aussi d'un accès au marché français "extraordinairement lent" comparé à la majorité des pays européens, avec un délai moyen d'environ 440 jours entre l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament et sa commercialisation effective, alors que la réglementation européenne fixe un délai de 180 jours, a déploré M. Lamoureux.
Lors du prochain conseil stratégique des industries de santé (Csis), qui doit se tenir au premier semestre 2016, le Leem a l'intention de demander au gouvernement d'"élargir la focale" au-delà des plans annuels de financement de la sécurité sociale.
L'industrie pharmaceutique pourrait être "un vrai moteur pour le retour de la croissance en France", a encore plaidé le directeur général du Leem.