PARIS (Reuters) - Nicolas Sarkozy s'essaye à un mea culpa dans un ouvrage à paraître lundi en concédant des "erreurs" et des "impairs" durant son quinquennat et trace, tout en s'en défendant, un programme de candidat à un an et demi de la présidentielle.
Dans "La France pour la vie", l'ancien chef de l'Etat, qui n'a toujours pas officialisé sa candidature à la primaire de la droite et du centre de novembre, assure que ce livre-confession n'est pas "une déclaration de candidature".
"Il est trop tôt", dit-il à l'attention notamment de ses principaux adversaires, tels Alain Juppé et François Fillon, auxquels il consacre des passages cordiaux mais non dénués de fiel s'agissant de son ancien Premier ministre.
Le président des Républicains, qui avoue avoir réintégré l'arène politique en septembre 2014 autant pour les Français que pour lui ("parce qu'au fond c'est ma vie") affirme n'avoir "aucun compte à régler, aucune vengeance à assouvir" avec François Hollande.
Son successeur n'est pourtant pas épargné au fil des pages, présenté comme un dissimulateur à "l'ambiguïté sympathique", un manoeuvrier habile "à préparer des pièges", avec un rapport "malsain" à l'argent. "François Hollande a été un bon candidat, c'est d'ailleurs ce qu'il sait faire le mieux", écrit-il.
Dans la campagne qui s'ouvre pour la primaire, Nicolas Sarkozy se pose comme le garant de la "profondeur et la force du débat d'idées". "Je veux que la droite et le centre aillent jusqu'au bout de leurs nécessaires refondations idéologiques".
Sa ligne de force ne souffre aucune ambiguïté. Elle sera droitière, loin de l'"idée fausse" d'une grande coalition, qui "ouvrirait un boulevard" au Front national. Les élections régionales de décembre dernier ont selon lui révélé "une conclusion bien utile pour déterminer notre cap futur".
"Partout où nous avions investi une tête de liste solidement ancrée à droite, le Front national fit ses scores les plus faibles", relève-t-il.
"J'AURAIS DÛ FAIRE DAVANTAGE"
Il appelle, à l'instar de François Fillon, à une "rupture franche" en 2017 pour redresser la France mais aussi à un débat "transparent" sur l'immigration.
Sur ce thème, il prône des mesures drastiques en donnant la priorité à "l'assimilation": quotas, aides sociales sous conditions pour les personnes en situation irrégulière, "pas de contrat de travail, pas d'entrée sur le territoire national", évolution du droit du sol vers "une présomption de nationalité".
"On ne me reprendra pas à faire des compromis de circonstance avec mes convictions. Beaucoup pensent que j'ai perdu en 2012 parce que 'j'en avais trop fait'; moi je pense à l'inverse que j'aurais dû faire davantage".
Sur la polémique née de son discours sécuritaire de Grenoble (juillet 2010), qu'il avoue ne toujours pas comprendre, il juge aujourd'hui avoir "commis l'erreur de ralentir".
François Fillon, qui affirme a contrario dans son livre "Faire" avoir été bridé dans ses ambitions réformatrices par Nicolas Sarkozy, apparaît comme l'un des inspirateurs de cette retenue aujourd'hui regrettée parmi quelques erreurs confessées.
"J'ai trop souvent pris les silences de François Fillon comme autant d'acquiescements", écrit l'ancien président.
Nicolas Sarkozy dit regretter de ne pas être allé "au bout" sur la réforme des 35 heures et la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF), il juge que le RSA est un "échec". Il ajoute avoir eu "raison avant l'heure" sur un certain nombre de sujets comme l'échec de l'Europe de Schengen, la déchéance de nationalité et le communautarisme.
IL NE REVIENDRAIT PAS SUR LE MARIAGE GAY
En revanche, il dit avoir "évolué" sur la question du mariage pour tous, sujet pour lequel il prônait jusqu'à présent une réécriture de la loi Taubira. "A la réflexion, je crains que (...) le remède soit pire que le mal".
Madeleine Bazin de Jessey, porte-parole de "Sens commun", émanation de la "Manif pour tous", a estimé que Nicolas Sarkozy participait "au discrédit de la parole politique". Le député LR Hervé Mariton a dénoncé un "parjure".
Dans un exercice inédit de contrition, Nicolas Sarkozy revient sur les épisodes qui ont entaché son quinquennat comme le "Casse-toi pov' con" lancé à un visiteur du Salon de l'agriculture en 2008 ("en agissant ainsi, j'ai abaissé la fonction présidentielle"), le séjour sur un yacht de Vincent Bolloré après son élection ("encore aujourd'hui je me demande comment j'ai pu commettre un tel impair") ou encore son dîner au Fouquet's le soir de la victoire de 2007.
"Je suis resté quelques mois de trop 'l'homme', alors qu'il aurait fallu être immédiatement président", avoue-t-il.
Il dit regretter en outre d'avoir ouvert son cercle à Patrick Buisson, une "imprudence". Sur le dossier Bygmalion, il répète n'avoir rien connu de cette société avant que l'affaire éclate et charge "la direction du parti de l'époque" - en l'occurrence Jean-François Copé.
L'échec "m'a convaincu d'adopter une attitude beaucoup plus modeste, en tout cas moins arrogante que celle que j'avais trop souvent avant", assure-t-il.
"Je ne peux que me réjouir que l'ancien président de la République me suive dans (la) voie" de "l'inventaire", a commenté François Fillon. "Je pense que les Français apprécient que les hommes politiques reconnaissent leurs erreurs", a dit pour sa part Alain Juppé.
(Sophie Louet avec Marine Pennetier, édité par Guy Kerivel)