PARIS (Reuters) - Le parquet de Paris a ouvert en décembre dernier une enquête préliminaire sur les pratiques de l'office de police chargé de la lutte anti-drogue, mises en cause par l'un de ses anciens informateurs, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
Cette enquête a été ouverte à la suite du témoignage d'un homme qui se présente comme un "infiltré" - un indicateur ne venant pas du "milieu" -, a-t-on précisé, confirmant une information de Libération.
Dans le quotidien, "Stéphane V." - un nom d'emprunt que lui a attribué l'administration française pour l'exercice de ses missions, dit-il - assure avoir "gardé" début 2012 une villa espagnole à la demande de François Thierry, alors patron de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Octris).
De mars à avril, 19 tonnes de cannabis en provenance du Maroc ont transité par cette villa, où la drogue était déchargée par des "policiers français" avant de remonter en voiture vers la France où seule une partie était interceptée, accuse-t-il.
"J'ai été témoin d'un trafic organisé au plus haut niveau, au motif de démanteler les réseaux", ajoute-t-il.
D'après Libération, ce témoignage est jugé crédible par le parquet. "On vérifie ce qui est dit", se contente de dire une source judiciaire.
Le porte-parole du ministère de l'Intérieur n'était pas joignable dans l'immédiat.
Sur Twitter, Francis Szpiner, l'avocat du commissaire François Thierry, a fait savoir qu'il allait engager "des poursuites en diffamation contre le journal Libération".
"LIVRAISON SURVEILLÉE"
Cette enquête préliminaire vient s'ajouter à une information judiciaire distincte, ouverte en octobre 2015 après la saisie, le 17 octobre, de 7,1 tonnes de cannabis entreposées dans trois fourgonnettes garées dans le XVIe arrondissement de Paris.
Dans le cadre de cette information judiciaire, dans laquelle trois autres personnes ont été mises en examen, Sofiane H., un indicateur de police en relation directe avec l'Octris et en particulier avec son ex-chef François Thierry, a été mis en examen début avril.
La juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris le soupçonne d'avoir été le principal bénéficiaire d'une "livraison surveillée" pilotée par l'Octris de plusieurs tonnes de cannabis en provenance du Maroc.
Une "livraison surveillée" vise, grâce à une information venue de l'intérieur d'un réseau, à démanteler les destinataires de la marchandise.
L'enquête préliminaire ouverte en décembre dernier est "beaucoup plus vaste" et vise les pratique de l'Office, souligne une source judiciaire.
Les relations entre certains policiers et leurs indicateurs sont actuellement au coeur du procès de l'ancienne star de la police lyonnaise, Michel Neyret, qui comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption et trafic de stupéfiants.
Il est accusé d'avoir franchi la frontière qui sépare "flics et voyous" en acceptant des cadeaux de membres du milieu en échange de services, et d'avoir détourné plusieurs kilos de résine de cannabis afin de rémunérer des informateurs.
(Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)