par Gérard Bon
PARIS (Reuters) - Paris a fait une demande d'entraide judiciaire internationale à l'Ukraine au sujet du Français arrêté à la frontière ukraino-polonaise et soupçonné d'avoir projeté une série d'attentats en France au moment de l'Euro 2016 de football.
Les services ukrainiens n'ont pas encore répondu "mais cela ne devrait pas tarder", a déclaré à Reuters le procureur de la République de Nancy, Thomas Pison.
Prié de dire si Paris envisageait une demande d'extradition, le magistrat a répondu : "On n'en est pas encore là".
Les enquêteurs français voudraient notamment prendre connaissance des déclarations du jeune de 25 ans qui, selon le chef des services de sécurité ukrainiens (SBU), Vasyl Hrytsak, a évoqué le projet d'une quinzaine d'attentats d'inspiration extrémiste de droite.
Selon des services de sécurité ukrainiens, il avait l'intention de s'en prendre à des lieux de culte musulmans et juifs ainsi qu'à des bâtiments publics en France.
Le jeune homme est inconnu des services français et la justice française privilégie pour l'instant un trafic d'armes, raison pour laquelle elle a ouvert une information judiciaire pour ce chef à Nancy, a souligné Thomas Pison.
La police judiciaire de Nancy et l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO) ont été saisis.
Le ministère français de l'Intérieur se montre également prudent au sujet d'éventuels projets nourris par ce Français, dit-on de source proche du dossier.
CONTEXTE DIPLOMATIQUE
On souligne le contexte diplomatique particulier de l'affaire, l'Union européenne pouvant décider prochainement de lever ses sanctions contre la Russie. Or, Kiev a tout intérêt à faire valoir son importance dans la lutte antiterroriste.
L'arrestation du Français a eu lieu il y a plus de deux semaines à la frontière polonaise et les images de sa capture, entièrement filmée par les services de sécurité ukrainiens, et diffusées lundi, sont spectaculaires.
Repéré en décembre 2015 en Ukraine, il a été interpellé après six mois d'enquête en possession de 125 kg de TNT, deux lance-roquettes antichar, cinq fusils d'assaut Kalachnikov et plus de 5.000 munitions, selon les services ukrainiens.
L'arsenal, désactivé, lui a été fourni par les autorités ukrainiennes elles-mêmes afin de piéger le suspect, un point qui intrigue des officiels français.
Après son arrestation, une perquisition menée le 27 mai à son domicile de Nant-le-Petit (Meuse) n'a pas permis de trouver d'éléments probants confortant la piste terroriste.
Les enquêteurs ont trouvé plusieurs substances pouvant entrer dans la composition d'explosifs artisanaux, mais le jeune homme présenté dans la région comme sans histoires est un fils d'agriculteur et travaille dans l'élevage, où des engrais, qui peuvent servir à fabriquer des explosifs, sont utilisés.
Un T-shirt à l'effigie du groupe d'extrême droite Renouveau français a été également découvert, selon une source policière.
UN GARÇON "GENTIL"
Mais le mouvement nationaliste et identitaire, qui revendique quelques centaines de membres, affirme que le suspect n'a été ni membre, ni sympathisant connu du Renouveau français.
"Nous ne connaissons pas ce jeune homme, nous n’en avons jamais entendu parler. Nous n’avons rien à nous reprocher et nous n’avons aucune crainte", a dit à Reuters son directeur, Thibault de Chassey.
Il a souligné qu'il était facile de se procurer des T-shirts dans la boutique en ligne du mouvement ou sur des stands lors de différentes rencontres et manifestations.
Les voisins du jeune Français se sont déclarés très surpris de son arrestation, décrivant un Lorrain ordinaire.
"C'est un garçon qui était bien parlant avec nous, très gentil, un gamin qui s'est toujours débrouillé tout seul, a toujours trouvé du travail", a ainsi dit Catherine Lenquette, qui vit en face de son domicile.
Elle a précisé l'avoir invité à dîner mais n'avoir jamais parlé de politique. "Je ne le vois pas faire des choses comme ça", dit-elle.
Catherine Lenquette se souvient que le jeune homme avait fait un voyage en Ukraine il y a deux ans et l'avait encore vu il y a quinze jours. Il lui a dit qu'il serait présent le 19 juin pour un repas organisé dans le village.
(Avec Gilbert Reilhac à Strasbourg, édité par Yves Clarisse)