PARIS (Reuters) - La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a annoncé jeudi son intention de fixer le seuil de responsabilité pénale à 13 ans dans le cadre d'une réforme de l'ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, déclenchant des critiques à droite.
Aujourd'hui, il n'y a pas en France d'âge de déclenchement de la responsabilité pénale, cette question étant laissée à l'appréciation des juges et l'auteur d’une infraction de moins de 13 ans écope d’une mesure éducative s'il est jugé capable de "discernement".
"En-dessous de 13 ans, il y aura en principe une présomption d'irresponsabilité pénale mais le juge pourra toujours faire jouer le discernement et, le cas échéant, admettre qu'un enfant de 11 ans ou de 12 ans peut-être responsable pénalement", a dit Nicole Belloubet sur France Inter.
La ministre entend mettre en place des mesures éducatives puissantes, comme le placement ou l'interdiction de paraître.
Pour l'ex-ministre de la Justice Rachida Dati, le gouvernement s'apprête à donner une "impunité" aux "mineurs délinquants".
"J'avais souhaité, comme la majorité des pays européens, instaurer une responsabilité pénale des mineurs", a-t-elle expliqué sur RTL (DE:RRTL). "Ça ne veut pas dire les mettre en prison, c'est prendre en charge ces mineurs délinquants le plus tôt possible pour pouvoir les réinsérer, les sanctionner et pour avoir une répression adaptée."
"DÉCISION GRAVISSIME" POUR PÉCRESSE
Pour la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, il s'agit également d'une "décision gravissime".
"La délinquance des mineurs explose chez les plus jeunes parce que les plus grands vont pervertir les enfants pour faire le sale boulot", a-t-elle expliqué sur France Inter. "On est en train de les livrer aux prédateurs qui sont les caïds."
Il n'est pas question qu'un enfant de moins de 13 ans coupable d'une infraction n'ait pas une réponse en fonction de ses actes, réplique Nicole Belloubet.
Et s'il n'est pas reconnu pénalement responsable, cela ne veut pas dire "qu'il ne se passera rien", a-t-elle ajouté. "Les victimes seront indemnisées."
Nicole Belloubet précise que les jeunes concernés seront bien pris en charge par un "juge d'enfant" et cette prise en charge doit "donner lieu à une réponse effective", éducative" ou "de nature différente".
La ministre souhaite enfin limiter la détention provisoire - actuellement, 800 mineurs sont détenus, dont près de 80% en détention provisoire, précise-t-on au ministère de la Justice, où l'on souligne que "la détention provisoire doit être réservée aux faits graves et aux mineurs réitérants".
La réforme sera présentée en conseil des ministres le 15 septembre et appliquée par ordonnance. Nicole Belloubet s'engage toutefois à ne pas la mettre en oeuvre "avant la tenue d'un vrai débat au Parlement". Elle n'entrera en vigueur qu'après un an.
Le gouvernement a été habilité à légiférer par ordonnance pour réformer la justice pénale des mineurs dans un délai de six mois à compter du 23 mars 2019, soit jusqu’au 23 septembre 2019.
Cette habilitation prévoit de simplifier la procédure, d’accélérer les jugements, de renforcer la prise en charge de ces mineurs et d’améliorer la prise en compte des victimes.
"L’ordonnance de 1945 a été réformée 39 fois et est devenue illisible", fait-on valoir au ministère de la Justice.
(Emmanuel Jarry, avec Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)